Biographie

  Présentation de Claire Cayron (www.josé-corti.fr):
      «Il a chanté, ri, fait la fête, souffert, pleuré, aimé, il a vécu». Cette affirmation de l’universitaire brésilienne Zahidé Lupinacci Muzart aurait pu servir d’épitaphe à Harry Laus, s’il n’avait déjà choisi la sienne, issue de son Journal absurde : «Ne pas se borner à accepter la vie, mais l'endurer, l'interpréter, la conduire vers une fin qui la justifie en totalité». Et la vie de Harry Laus a été des plus complexes.
     Il est né à Tijucas, une petite ville de l’État de Santa Catarina, au sud du Brésil, dans une famille d’origine allemande dont les premiers représentants étaient arrivés de Prusse en 1847. Orphelin de mère à l’âge de 6 ans, il était le 14e d’une fratrie de 16 enfants issus des trois mariages de son père. La très modeste situation familiale l’a conduit dans l’armée dès l’âge de 17 ans. Il en est sorti avec le grade de lieutenant-colonel, à l’occasion du coup d’État de 1964, après une carrière tourmentée et périlleuse, en raison des différentes formes de son inadaptation au milieu militaire.
     L’une d’elle est la vocation littéraire qu’il a revendiquée dès 1947, et développée confidentiellement jusqu’en 1953 où, sous un pseudonyme, il a été couronné pour un essai sur l’œuvre d’Ibsen. Durant ces années, de caserne en caserne, il s’est formé intellectuellement dans la plus grande solitude, et souvent le plus grand inconfort, avec un acharnement parfois désespéré, dont témoignent les premières années de son Journal absurde, commencé à l’École militaire.
     L’autre motif d’inadaptation était son homosexualité. Dans son dernier ouvrage, le roman Les jardins du Colonel, on peut lire : «Au cours de sa carrière, il avait parfois relâché la vigilance qu’il exerçait sur lui-même, et la continence forcée avait explosé ici ou là. La dissimulation alors se lézardait, l’obligeant à abandonner les déguisements qui travestissaient sa personnalité, au point de ne plus se reconnaître lui-même». Le Journal absurde, encore inédit au Brésil dans sa version intégrale, rend compte, entre autres témoignages, des risques et périls encourus.
    «Jamais je n’ai rencontré personne qui eût moins la vocation militaire que ce garçon de Santa Catarina, civil par nature et par conviction, né pour vivre libre et bohême, non pour marcher au pas», a écrit Jorge Amado dans une préface. Cependant, la vie militaire a aussi nourri l’œuvre de Harry Laus plusieurs de ses 55 nouvelles y ont trouvé leur cadre et leur sujet.
     Au bout d’une dizaine d’années d’intense activité littéraire, Harry Laus a saisi l’occasion, à partir de 1962, de développer son goût pour les arts plastiques, en devenant successivement chargé de la rubrique correspondante dans divers quotidiens de Rio de Janeiro, notamment le Jornal do Brasil puis de la revue Veja, en relation étroite avec son amie la galériste Ceres Franco. Membre de l’Association Brésilienne et Internationale des critiques d’art, il a participé en 1971 et 1972 au jury de la Biennale de São Paulo.
     Il s’est retiré à partir de 1976 dans son État natal, où il a dirigé le musée de Joinville puis le M.A.S.C. (Museo de Arte de Santa Catarina). À ce poste, il a promu et rédigé le catalogue des artistes plasticiens catarinenses. La poursuite de son Journal, trois romans, un recueil de nouvelles sur le sujet de “l’amour banni” et un “documentaire autobiographique” marquent également cette dernière période de sa vie.
     Une attention mélancolique à la fragilité humaine, fruit de la multiplicité de ses expériences de vie, l’exigence formelle de simplicité, et la sensibilité visuelle trace de son autre vocation artistique, caractérisent l’écriture de Harry Laus.

Extrait de Harry Laus, Un Maniaque de l'étrange, par Manuel Carcassone, Le Figaro, 19 mars 1998 :
   « Harry Laus, c'est autre chose [que Paolo Coelho] : un Brésil mélancolique et paysan, un Sud superstitieux fâché avec l'exotisme, une Terra incongnita effrayée par l'immense solitude qui tombe sur elle. (…) “Ombre parmi les ombres vaines”, “nomade sans regret du passé ni du jour qui finalement sera”, Harry Laus (…) composa une œuvre singulière qui nous parvient grâce à Claire Cayron, traductrice donc sainte laïque. (…)
    « On pense à Fernando Pessoa, au fantastique d'une Silvina Ocampo, aux jeux rusés du surréel de l'Argentine voisine, en lisant les nouvelles de M. Harry Laus, brésilien frotté d'Europe.
    « Dans les interstices du réel, Harry Laus trouve sournoisement des folies, des absurdités, des farces. [C'est] un mathématicien du hasard, un scrupuleux de l'étrange, un manique du dérangement, de la folie progressive, de l'autre monde qui se déverse à grands flots sur celui-ci. Quand les écrivains du Brésil dansent et chantent, puisque c'est ainsi qu'on les montre, Harry Laus, ironique, monte la garde. Sentinelle du néant.»