« Comment écrire à propos d’un livre de Clarice Lispector ? Sa lecture vous a mené, comme tranquillement, naturellement, au trouble, à un abîme, vous avez fait l’expérience de l’indicible. Et vous êtes après sans voix. Plein d’une émotion devant laquelle les mots, les vôtres, paraissent faibles, qui vous invite seulement à relire, à refaire à nouveau le parcours où se dévoilent dans un monde confiné, comme nus, l’amour, la mort, la haie, le désir, la banalité, la catastrophe. Mais vous êtes sans voix. ¢ Tout part d’un ordinaire tranquille, routinier, familial, souvent comme l’annonce le titre, la femme, l’homme s’y protègent, se sont créé des garde-fous, des habitudes, un quotidien qu’ils voudraient croire immuable. Mais cette fois-là, une légère ivresse, un aveugle mâchant un chewing-gum, un bouquet de roses, la lune simplement, précipitant ce qui n’était que risque, la prise de conscience à laquelle on se refusait. La révélation du vide, de la solitude, du manque fait alors découvrir le temps. On vieillit brutalement, on est arraché à son apparence de tranquillité. Puis on se ressaisit, on essaie tout au moins. On rétablit les défenses, on recolle les morceaux, mais reste une fêlure. […] M. Riaudel