Analyser «les représentations artistiques des favelas dans l’histoire de l’art brésilien et de la culture populaire, pour démontrer comment ces œuvres ont contribué à la formation d’un nouveau paysage urbain»: tel est le projet intéressant et stimulant que formule Paola Berenstein-Jacques. Commençons par saluer son ouvrage pour les risques qu’il assume clairement : tout en réfléchissant à l’esthétique de la favela et à ses enjeux sociaux, l’auteur refuse de tomber dans une apologie malsaine de la misère et n’est pas non plus fascinée par le folklore du pauvre. Plutôt, elle montre, d’une part, que les favelas «ont leur propre culture», d’autre part, comment elles ont influencé en profondeur les artistes brésiliens. Pourtant, cet ouvrage qui prétend renverser les valeurs de l’esthétique urbaine déçoit le lecteur car il ne remplit pas tout à fait le contrat passé en introduction. En effet, la première partie, qui retrace l’histoire des favelas de Rio, n’a rien de novateur car elle propose une synthèse de travaux anciens, qu’elle n’actualise pas. Par exemple, les dernières informations de l’auteur sur le programme Favela-bairro remontent à 1997 et les références bibliographiques oublient des titres importants publiés ces dernières années, comme l’excellent ouvrage d’Armelle Enders sur l’Histoire de Rio de Janeiro (Fayard, 2000). Dans la suite du texte, les passages sur le modernisme et sur le manifeste anthropophage, malgré leur intérêt, ne nous éclairent toujours pas sur «l’esthétique anthropologique» que l’auteur appelle de ses vœux. La fin de l’ouvrage, cependant, reconstitue entre autres l’histoire la légendaire école de samba Estação Primeira de Mangueira, et donne davantage vie à la favela.