Paulo Coelho est un peu l’envers de Patrícia Melo. Non pas à cause du côté «gentil lapin», mais plutôt en fonction de l’exergue placé en tête de Veronika décide de mourir, tiré de l’évangile selon Luc: «Voici, je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les serpents (…) et rien ne pourra vous nuire» (trad. Françoise Marchand-Sauvagnargues, Anne Carrière, 288 p.). La citation donne la mesure de la fonction protectrice, thérapeutique des écrits de L’alchimiste, autant que de sa conversion chrétienne. Paulo Coelho, lui, croit en l’homme, il veut donner espoir, même dans la souffrance. Il sait que le mal existe, il ne cherche pas à le cacher, il l’a même rencontré, pour nous, plusieurs fois. Notamment dans sa jeunesse, lorsque adolescent terrible, ses parents l’auraient fait interner dans un asile psychiatrique. C’est pourquoi aujourd’hui il nous livre son expérience à travers ses courts adages, ses condensés de sagesse, ses petites histoires, comme celle de Veronika, la jeune et jolie Slovène qui joue avec la mort. Slovène, c’est bien choisi pour évoquer, un rien exotique, un rien décalée, donc propre à être fictionnalisée, la misère du monde. C’est comme le Veronika avec un k. Tout de suite, ça sort de la banalité, ça prend du relief. Ah, la magie de la langue! Internée donc, elle aussi, après une tentative de suicide, elle renaît au contact des fous: «Restez fous, mais comportez-vous comme des gens normaux. Courez le risque d’être différents, mais apprenez à le faire sans attirer l’attention. Et laissez se manifester votre Moi véritable. — Qu’est-ce que le Moi véritable?». Bonne question, Veronika. Nous, nous en étions même à douter sacrément de son existence, à ce Mouâ véritable. Mais le roman ne vous abondonne pas au scepticisme et à la perplexité: «C’est ce que tu es, non ce qu’on a fait de toi». Dixit saint Paulo, jour de la sainte Bernadette. Si abandon il doit y avoir, d’ailleurs, après retour canalisé aux «apparences», il sera à soi-même encor : Et Veronika, qui était incapable d’appréhender ses propres désirs, va découvrir (…) la liberté de s’y abandonner. Voilà la moitié de notre chemin de foi accompli, mais déjà, Veronika n’est plus là pour demander ce que sont ses propres désirs. Que va devenir le pauvre lecteur?