Ozal Emier dans Télérama Sortir n°3361, juin 2014
Avec son costume de lin blanc et sa voix posée évoquant son amour pour la culture lusophone, on imagine aisément Michel Chandeigne marchant dans les ruelles de Lisbonne. Ou encore le long de la baie de Rio, un livre de Machado de Assis, célèbre écrivain brésilien, dans sa poche. Depuis 1986, l’élégant sexagénaire tient cette institution parisienne sise à l’ombre du Panthéon. « C’est la dernière librairie de langue portugaise en France », précise-t-il. Dernière mais vaillante : la clientèle — « très mélangée et pas communautaire » — s’y presse, avec des fidèles venus de Finlande ou du Vietnam. Il faut dire que l’établissement profite aussi de l’engouement croissant pour le Brésil. « En dix ans, j’ai multiplié par quatre la vente de méthodes de portugais brésilien. »
C’est pendant son service militaire que Michel Chandeigne découvre Lisbonne où il donne alors des cours. Puis vient la rencontre avec le Brésil, grâce à sa première femme. Exerçant d’abord en tant que typographe à Paris, il ouvre finalement cette librairie, traduit Pessoa, puis lance, en 1992, une maison d’édition — qui porte son nom — spécialisée dans l’histoire des grandes découvertes portugaises au XVIe siècle. « C’est une culture ouverte sur le monde depuis près de cinq cents ans », s’enthousiasme Michel Chandeigne pour expliquer son attrait constant auprès des lecteurs. Cap-Vert, Mozambique, Angola, la littérature lusophone ne se limite pas seulement au Portugal et au Brésil, et le libraire tient à représenter cette diversité dans sa boutique. Et la Coupe du monde dans tout ça ? « Le foot fait vendre des bières et des pizzas mais n’a jamais fait vendre de livres », dit-il en riant. Le libraire compte bien plus sur la soif de connaissance qui incite les curieux à pousser sa porte.