Naufrage désarmant ! Par maladresse, une étincelle chut dans un baril d’alcool, qui explosa, propageant le feu à la houille déposée non loin, puis au reste du navire jusqu’aux poudres : feu d’artifice colossal, et un capitaine propulsé dans les airs… Avec de nombreuses gravures.
Par une conjonction de décisions désastreuses, avant et après le naufrage, Bontekoe ( prononcé à la hollandaise : ‘Bennetokou’ ) est l’un des deux rescapés de la catastrophe. Sa relation est en deux grandes parties : le voyage des Pays-Bas à l’Océan Indien jusqu’à la fameuse explosion, puis son action grotesque pour forcer la Chine à commercer avec la Compagnie des Indes Orientales, son employeur.
Le texte est instructif également par certaines anecdotes sur la faune de l’Ile Maurice : « nous trouvâmes plus avant dans les terres quantités d’oies, de ramiers, de perroquets gris et d’autres sortes d’oiseaux, et quantité de tortues de terre. Nous en vîmes bientôt vingt à vingt cinq ensembles sous un arbre à l’ombre, et en prîmes autant que nous voulûmes. Les oies ne s’enfuyaient point quand nous les poursuivions et se laissaient tuer à coups de bâtons. Il y avait aussi des dod-eersen ou dodos, qui ont de petites ailes et ne peuvent pas voler ; ils étaient si gras qu’ils traînaient le cul à terre, sans pouvoir presque marcher (p.37) ». Une note rappelle l’étymologie incertaine aujourd’hui de cet oiseau emblématique : « dodo : ( du port. doido : fou stupide ), ou dronte ( d’un mot indigène ). Ce gros oiseau ( 70 cm de haut ), malhabile et incapable de voler, fut exterminé en quelques années des îles Mascareignes par les Européens, et disparut ainsi de la planète. Le dernier fut tué en 1681 (p.194) ».
Le Naufrage
Indépendamment du lourd tribut humain, les causes du naufrage tiennent du tragi-comique ; l’auteur l’évoque avec force redites : « il arriva que le cambusier descendit en fin d’après-midi avec une chandelle à fond de cale. Il devait remplir à la pompe son baril d’eau-de-vie, afin d’en distribuer à chacun une demi-chopine selon la coutume. Il ficha la queue de son chandelier dans la futaille d’un tonneau, qui se trouvait un rang plus haut que celui d’où il pompait son eau-de-vie. Après que le baril fut plein, il voulut ôter son chandelier, mais ne le pouvant retirer doucement, à cause qu’il tenait trop, il le fit avec force, de sorte qu’en le retirant une braise de lumignon tomba justement dans la bonde du tonneau d’où il avait tiré son eau-de-vie. Le feu prit aussitôt ; l’eau-de-vie s’enflamma si bien que le dessus du tonneau éclata et une partie de l’eau de vie se répandit dans le fond du vaisseau où, par malchance, se trouvait le charbon de forge (pp.45-46)
[…]
Le désespoir était si grand que je ne puis l’exprimer ; ce n’était plus que soupirs et gémissements. Nous jetions sans relâche de pleins seaux d’eau par les écoutilles et les ouvertures du tillac : il sembla même que l’embrasement fût vaincu, quand le feu redoublait. Ce nouveau malheur augmenta à tel point notre terreur que nos cheveux se hérissaient sur nos têtes et une froide sueur inondait nos visages. Tous perdaient courage, mais nous ne laissions point de toujours jeter de l’eau et de balancer la poudre par-dessus bord. Nous nous étions déjà débarrassés de 60 demi-barils, et il nous en restait encore 300, quand finalement le feu y prit et fit sauter le navire avec les 119 personnes de l’équipage qui y étaient restées (p.49) ». Le reste est épique : le feu gagnant la sainte-barbe, le bateau partit en un formidable feu d’artifice digne d’un dessin animé, et Bontekoe de narrer son vol par les airs avant de choir en mer parmi les débris matériels et humains…
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