LE VOYAGE DE MAGELLAN & autres témoignages 1519-1522. Édition établie par Xavier de Castro, Jocelyne Hamon et Luís Filipe Thomaz – Préface de Carmen Bernand & Xavier de Castro. Dossier cartographique : Xavier de Castro. Ed. Chandeigne, 2° ed. 1088 p. 2010, 59 €

Outre la qualité typographique de l’ouvrage, l’intérêt de la lecture des témoignages directs et la richesse des illustrations et de l’appareil critique (notes, itinéraires, index, bibliographie exhaustive), cette édition du Voyage de Magellan est un événement exceptionnel dans le monde de l’édition. Il est désormais le livre de référence sur le sujet, y compris à l’étranger, et rend caducs, à des degrés divers, tous les ouvrages parus jusqu’à ce jour sur le sujet – ce qui ne fut pas une mince surprise pour l’équipe lorsqu’elle a réalisé ce travail !

En effet :

• C’est la première fois au monde que sont réunies et confrontées toutes les sources narratives directes, avec de surcroît toutes les cartes contemporaines connues.

• Le texte de Pigafetta a été établie d’après les quatre copies connues et contemporaines de l’original (trois en français – mais deux “utiles” seulement – et une en italienne. Nous identifions plusieurs passages empruntés à des textes antérieurs (Conti, Barbosa, Anghiera), ce qui nous permet de mettre en avant les informations de première main de Pigafetta

• L’appareil critique, très complet, s’intéresse à tous les domaines touchées par les sources directes (historique, géographique, ethnographique, zoologique et botanique, sexuel, économique, nautique, etc.) rassemble, synthétise et pondère les diverses interprétations des grandes énigmes de cette expédition (origines de Magellan, nature du projet, mutinerie, mort du navigateur, nombre de morts et de survivants). Ce faisant, nous tordons le cou à des dizaines d’erreurs et d’idées fausses qui circulaient invariablement sur le navigateur et son voyage, qui se trouvaient jusqu’à présent dans tous les livres (français, anglais, espagnol, etc.), en proportion variable. Quelques exemples.

– Pour les idées fausses qui circulent largement dans le grand public : “Magellan a fait ce voyage pour prouver que la terre était ronde”, « Magellan a accompli / a projeté / a entrepris / le tour du monde », “Magellan a proposé ce voyage à l’Espagne, car le roi portugais l’avait refusé”…        – Le livre montre également que toutes les données biographiques sur Magellan sont très fragiles, mais fait le point sur les quelques certitudes        – La naissance à Sabrosa (indication donnée dans tous les guides et quasi tous les livre). Cette idée est née dès la première biographie de Magellan au xixe siècle, après l’exhumation d’un pseudo testament de Magellan, daté de 1504, et d’autres documents. Dans les années 1920, plusieurs historiens ont prouvé que ces documents étaient une grossière falsification, et que, de plus aucune mention, d’une naissance à Sabrosa s’y trouvait. Une note du livre explique en long et en large cette étrange affaire qui est maintenant, hélas, gravée dans le marbre, semble-t-il.        – Bergreen, dans sa récente biographie, laisse entendre que Magellan avait des origines juives, ce qui expliquerait bien des choses dans son comportement “cruel” lors de la mutinerie. Là encore on est dans le roman, une note contredit cette thèse fausse et saugrenue (cf. Colomb).        – La confrontation du mémoire géographique écrit par Magellan à la veille du voyage avec la carte de Reinel de 1519, réalisée en Espagne, montre – contrairement aux idées reçues – que Magellan avait une idée très exacte (à quelques degrés près) de la distance entre le Rio de la Plata et les Moluques, et donc du Pacifique.        – Le voyage fut un désastre humain, mais il y eut 90 survivants et non 18, comme on le dit. 55 qui reviennent avec le San Antonio en 1521, et 35 qui firent le tour du monde : 30 avec la Victoria en 1522 (en deux fois, car 12 était resté quelques semaines prisonniers au Cap-Vert), et 5 de la Trinidad, qui reviennent 4 ans plus tard.         – etc. etc.

• De plus, sur des dizaines de points (composition de l’équipage, désertion du San Antonio, traversée du Pacifique, l’escale à Palawan, identification de toponymes, de plantes et d’animaux), la confrontation de toutes les sources directes et l’évaluation des textes plus tardifs comme les chroniques (considérées souvent à tort comme des sources fiables) apporte des éléments jusqu’alors inédits qui offrent parfois une nouvelle lecture des événements.

– Le livre a analysé avec un soin extrême, comme jamais, la composition de l’équipage. Ils aboutissent à confirmer le chiffre donnée par Pigafetta, Pietro Martire d’Anghiera et un document d’archives de 1519, soit 237 au départ de Sanlucar de Barrameda. Exhumant une lettre de López de Recalde, il donne le chiffre de marins déserteurs retournant à Séville en mai 1521 : 55. Grâce à cette donnée, et en croisant les listes des morts dressées lors de l’expédition avec l’ensembles des listes d’équipages et des procédures de paiements de soldes avec les héritiers et les survivants (ouf!), on a pu déterminer la liste probable de ces 237,