Coup de Cœur: Le chien aux yeux bleus des colonies
L’histoire aboie comme le colon portugais sur les Noirs du Mozambique. Luis Bernardo Howana l’a publié en 1964. Son titre? Nous avons tué le chien teigneux. C’est devenu un classique de la littérature africaine. Quarante ans plus tard, le texte est enfin traduit en français. Le dessinateur liégeois Jean-Philippe Stassen, auteur terrifiant de Deogratias, l’album exorcisme du génocide rwandais, illustre le côté obscur de ce livre en larmes. En regard du texte, ses images d’horreur sombre nous ouvrent les yeux tout grands de peur.
Le chien teigneux est la victime expiatoire du délit de sale gueule. Il a la peau noire et cousue de cicatrices. Personne n’en veut. Il vit rongé par les mouches. Il faudrait être dérangé dans sa tête pour le caresser. Il n’est bon qu’à être chassé, à être battu. Ou abattu, s’il devait se montrer trop collant, trop curieux…
Les petits Blancs vont se mettre à douze pour le massacrer avec les carabines de leurs parents. Ils chargeront Dinho, un jeune Noir, de mener le chien vers son lieu d’exécution. Cette "racaille de nègre", ce "fils de putes noires" pleurera toutes les larmes de son corps sans parvenir à se rebeller. Il était écrit que le pauvre chien n’échapperait pas au carnage.
Il faut lire cette fable cruelle du chien teigneux pour apprendre à ne plus jamais appuyer sur la gâchette en se disant qu’on ne peut faire autrement. A ne plus jamais se taire quand on entend gémir et grincer les os. A ne plus jamais croire que celui qui meurt ira tout droit au ciel pour être heureux.
Daniel Couvreur