Dans un village de l’Afrique coloniale, un vieux chien d’aspect repoussant et aux yeux étonnamment bleus attise l’imagination du jeune héros noir qui observe et raconte: comment ce chien a pour seule amie une petite fille un peu étrange; comment il dérange Monsieur l’Administrateur qui décide de s’en débarrasser; comment l’aide-vétérinaire demande à la bande de garçons qui traîne là de le supprimer avec leurs carabines et quel bon exercice ça ferait pour eux…

Un texte fort, d’une écriture simple qui sait parfaitement faire sentir l’ambivalence des sentiments du jeune héros entre son désir de plaire au groupe pour y être pleinement admis et ses réactions instinctives d’horreur pour ce qu’on lui demande de faire, de compassion envers les "victimes" du groupe, dans un contexte colonial très imprégné de sentiments racistes, montrés par des paroles qui nous révoltent, mais dont le jeune héros ne semble pas avoir conscience. Et une fin très triste où passe son sentiment d’impuissance dans sa soumission au meneur du groupe. On connaît l’attachement de Jean-Philippe Stassen pour l’Afrique (Le Bar du vieux Français, Deogracias): ses illustrations s’accordent très bien à la tonalité de ce récit, où le trait grossi souligne la cruauté de l’histoire, magistrale démonstration des contraintes qu’exercent sur les individus les lois d’une société.