Alors que, depuis plus de trois décennies, l’Afghanistan s’impose à la une de l’actualité, observateurs et politiques feraient bien de prendre connaissance du témoignage d'Alexander Burnes, enfin disponible en français grâce aux Editions Chandeigne. Préfacé par Michael Barry, dont Le Royaume de l'insolence demeure la meilleure introduction à  l'histoire de la « montagne rebelle », et accompagné d'un appareil documentaire et historique très complet, parfaitement mis en forme par Nadine André, une spécialiste de l'Inde britannique, cet ouvrage nous apporte un témoignage de premier ordre sur le Sindh et l’Afghanistan dans les années 1830. À cette époque, Sikhs et Pachtouns s'affrontent et les deux grandes puissances du moment, la Grande-Bretagne et la Russie, sont déjà engagées dans ce qui deviendra le « Grand Jeu » pour le contrôle de l'Eurasie. Envoyé à Kaboul pour y battre en brèche les tentatives des agents du tsar, Burnes ne peut y parvenir et c'est son échec qui entraîne la malheureuse intervention britannique à Kaboul, conclue par l'assassinat de l'auteur et par l'insurrection générale qui contraint la garnison anglaise à évacuer en janvier 1842, dans les pires conditions, la capitale afghane. La retraite se transforme en un désastre qui demeure aujourd'hui un élément puissant de l'imaginaire collectif afghan, d'autant que l’URSS a elle aussi connu la défaite sur ces terres rétives à toute domination.

Philippe Conrad