Superbe ouvrage sur la célèbre mosaïque du Musée de l’Azulejo, exécutée à Lisbonne entre 1700 et 1725 : 1m (h) x 23m de long pour les 1575 azulèges ( 8 x 172 ). Cette vue panoramique est complétée ici par plusieurs témoignages sur Lisbonne du XIVe au XVIIe siècles. L’ouvrage, au format italien, est structuré en trois parties : la présentation dudit panneau, une instructive anthologie de textes sur Lisbonne, et les nombreuses reproductions réparties en trois cahiers quadrichromiques placés entre les chapitres. Le panneau reproduit une vue panoramique de Lisbonne au début du XVIIIe siècle, avec quelque liberté : « loin de restituer avec une froide exactitude toute la morphologie du paysage urbain selon une perspective et une métrique rigoureuses, le peintre a élaboré, non sans une certaine naïveté, une représentation poétique des espaces physiques : certains points sont dessinés avec minutie et force détails, d’autres ont le trait plus rapide, moins fidèle à la forme et à la proportion des bâtiments, à la dimension relative du tracé urbain, l’artiste se montrant parfois plus soucieux des gens et des nuages que des édifices et des rues (p.15) ». Si son état de conservation est généralement bon, on note quelques brisures et éclats, parfois importants, ainsi que dans l’œuvre originale « des interruptions soudaines dans la continuité de l’image : la rupture peut coïncider avec le joint séparant deux azulejos entiers mais aussi se situer à l’intérieur d’un même azulejo, laissant alors une petite bande étroite (p.13) ». La composition de ces quelque 1500 azulèges est superbe, avec une certaine poésie que confèrent les perspectives approximatives et des échelles souvent fantaisistes. Monuments, résidences princières et bâtiments publics ont ainsi été particulièrement mis en évidence, dans un tout d’horizon oculaire que le lecteur pourra conforter avec les descriptions écrites, contemporaines ou antérieures à la réalisation de l’œuvre ; exemple : « fort que les Portugais appellent Torre do Bugio. Cette tour est bâtie au milieu de la mer, elle est pourvue de quantité de grosse artillerie, et l’on y entretient en tous temps une aussi nombreuse garnison que la place peut contenir. Vis-à-vis de cette tour, et sur la terre ferme, on en découvre une autre appelée Fort de Saint-Julien, et par corruption Torre de São Gião ; elle est encore mieux fournie d’hommes et de canons que la première, et tous les vaisseaux qui montent à Lisbonne passent nécessairement sous le canon de ses deux forteresses (pp.89-90) ». Voici la liste chronologique des cinq témoignages rassemblés en fin d’ouvrage : 1. Jérôme Münzer (1492) : Ulixbona, qu’on appelle maintenant Lisbonne, pp.39-48. 2. Damião de Góis, chevalier portugais (1554) : Situation et aspect de la ville de Lisbonne, pp.49-62. 3. Anonyme italien (1578-1580) : Portrait avers et revers du royaume du Portugal, pp.63-67. 4. Charles Dellon (1687) : Brève description de Lisbonne, pp.85-97. 5. Père François de Tours (1699) : Lisbonne, extrait du Voyage d’Espagne et du Portugal, pp.98-109. L’anthologie de textes sur Lisbonne Le témoignage de l’anonyme italien à la fin du XVIe siècle est mitigé, comme l’indique le titre, alternant entre les éloges à la beauté et l’opulence de la ville d’une part, et d’autre part l’opprobre à la bêtise et la pestilence dans la capitale : « cette douceur provient surtout de sa situation sur la rive d’un si grand fleuve dont les marées ascendantes et descendantes charrient toujours une brise légère. Le site est beau et régulier, ni totalement plat, ni totalement accidenté, orné de nombreux temples pieux et riches ; certains sont d’une beauté raisonnable et l’on y pratique les offices divins avec une grande solennité […] les villes du royaume sont peu agréables, elles sont toutes médiocres, sales et mal édifiées : les temples aussi bien que les autres maisons sont construits avec une architecture en tout disproportionnée. La ville de Lisbonne, qui n’est pas que la plus noble et la plus grande mais dont on peut dire qu’elle est à elle seule tout le royaume, est non seulement médiocre et dénuée de muraille mais aussi la plus sale et la plus laide de toutes. De fait, bien qu’elle soit située sur les rives d’un grand fleuve et qu’elle soit assez accidentée, ils n’ont pas encore eu la simple intelligence de creuser des canaux pour évacuer les immondices dans le fleuve. Ainsi, comme il est commode de jeter dans la rue les eaux et tous les déchets par les portes et les fenêtres, lesdites rues deviennent des conduits de saleté. De plus, les Noires ont l’habitude d’aller pendant la journée jeter à la mer les pots de chambre remplis d’excréments. Or ceux-ci tombent souvent dans les rues, mais ces sages, qui font une loi pour chaque peccadille, n’ont pas encore su ordonner qu’ils soient portés de nuit. De tout cela résultent une boue, une pluie continue et une immense puanteur (pp.63, 66) ». Les extraits de la relation de Charles Dellon, plus d’un siècle après, semble indiquer une nette amélioration : « on compte jusqu’à sept montagnes dans l’enceinte de Lisbonne ; les deux principales sont celle que l’on appelle de Sainte-Catherine et celle sur laquelle est situé le château, qui est comme une espèce de citadelle qui commande toute la ville. Comme cette place est de conséquence, et qu’en cas de sédition elle peut servir à contenir la populace dans son devoir ou à l’y faire promptement rentrer, on y entretient en tout temps une forte garnison, et elle est toujours bien munie de toutes les choses nécessaires pour pouvoir faire une longue et vigoureuse résistance. La plupart des rues de Lisbonne sont si étroites qu’à peine il peut passer un carrosse, ce qui fait que les personnes de qualité vont ordinairement en litière ; cependant, depuis le règne de dom João IV, père du roi à présent régnant, on a élargi plusieurs rues, et depuis ce temps-là les carrosses sont devenus plus communs qu’ils n’étaient auparavant (p.94) ». Son témoignage éclaire aussi sur la manière dont les étrangers pouvaient être appréhendés par les autorités de l’époque : « d’abord qu’on eut jeté les ancres dans la rivière de Lisbonne, le maître des matelots, sous la garde duquel j’étais, alla donner avis de mon arrivée à l’Inquisition ; j’y fus conduit le lendemain, et de là, par l’ordre des inq