Recueil de neuf textes (1500~1540) rendant compte des premiers contacts entre Européens et Amazoniens. Récits de la découverte d’un continent : premiers échanges de cadeaux, témoignages d’hospitalité ou d’anthropophagie locales, ordres ‘du roi notre Sire’, etc.

 

Etonnant que ce petit livre de la collection Magellane poche : 192 pages tout de meme, dont une douzaine de gravures, quelques fac-similés de manuscrits et une carte maritime (p.9) dont les vents et courants marins montrent combien la ‘découverte’ du Brésil, la Terre des Perroquets, n’était qu’une affaire de temps… L’excellente introduction (pp.5-40) rappelle r cet égard certains éléments de la polémique sur savoir si Cabral fut bien le premier ‘découvreur’ en 1500 : plusieurs faits suggcrent que le Portugal en avait tenu l’existence secrcte pour mieux assurer ses prétentions territoriales… Parmi ces dix textes ( introduction incluse ), on trouve le récit de Binot Paulmier de Bonneville, premier Français r se rendre sur les côtes brésiliennes vers 1503, ainsi que le premier dictionnaire (rudimentaire ) tupi-français, datant de 1540 environ…

 

Qu’on essaie seulement de se mettre r la place de ces hommes, voici déjr un demi millénaire : il leur fallait concevoir, et accepter, l’existence d’un nouveau continent et celle d’hommes différents, r la peau cuivrée et aux langues et cultures différentes… Ils pretaient volontiers r ces derniers quelque 150 ans de vie…

 

Les Premiers Contacts

 

Mais comment communiquer quand on n’a pas le meme langage ? Il semble que les Amérindiens aient été plus démonstratifs : T ils restcrent d’abord un peu éloignés de nous, ensuite peu r peu ils nous rejoignirent, et ils nous serraient dans leurs bras, manifestant leur joie, mais certains se dérobaient aussitôt. Puis ils échangeaient des arcs contre des feuilles de papier ou contre quelque vieux bonnet usé ou contre n’importe quoi ; et les choses se passcrent de telle sorte que vingt ou trente des nôtres au moins partirent avec eux jusqu’r un endroit ou beaucoup d’autres étaient en compagnie de jeunes filles et de femmes, et ils en rapportcrent quantité d’arcs et de toques de plumes, des vertes et des jaunes (p.61) t… Car la plupart du temps en effet, passé le temps de la surprise et de l’inquiétude, les autochtones se comportent en hôtes irréprochables, comme le suggcre ce témoignage : T nous naviguâmes le long du rivage, sur une distance de six cent lieues, et descendîmes souvent r terre : nous nous melions aux paysans de ces régions et conversions avec eux qui, de leur côté, nous réservaient un accueil paternel : nous demeurions parfois quinze ou vingt jours d’affilée avec eux, reçus, comme vous le verrez plus bas, en hôtes et en amis (p.96) t.

 

Et ces premiers témoignages sont quasiment unanimes : T ils sont trcs soignés et trcs propres, et quoi il me semble plus encore qu’ils sont pareils aux oiseaux ou aux animaux sauvages r qui le grand air donne de plus belles plumes et un plus beau poil qu’aux animaux domestiques ; leurs corps sont en effet aussi nets, aussi forts et aussi beaux que possible (p.61) t. Un autre écrivit : T ils sont, dans leur démarche, agiles et gracieux. Leur figure est agréable, mais ils s’emploient eux-memes r la ravager […] ils vivent selon la nature, et peuvent etre dits épicuriens plutôt que stodciens (p.97) t, car les préjugés ne sont jamais bien loin. La sympathie pour ce qui deviendra le bon sauvage ( surtout en Polynésie ) s’accompagne toujours d’un peu de condescendance : T ils sont si parfaits, si forts et si bien en chair, que nous ne le sommes pas autant, avec tout le blé et les légumes que nous mangeons. Tant qu’ils furent avec nous ce jour-lr, au son du tambourin, ils ne cesscrent de sauter et danser avec les nôtres. Ils sont ainsi plus nos amis que nous les leurs (p.68) t…

 

Enfin, cela dépend des rivages, car selon cette description d’anthologie, T dcs que nous eumes sauté r terre, les hommes du pays envoycrent nombre de ces femmes parler avec nous ; et comme nous voyions qu’ils ne parvenaient pas r se rassurer, nous résolumes de leur dépecher l’un de nos jeunes gens, gaillard et avenant. Nous, pour les rassurer, nous nous retirâmes dans nos chaloupes ; et le jeune homme se dirigea vers les femmes. Dcs qu’il fut arrivé prcs d’elles, elles firent un grand cercle autour de lui, le touchant, le palpant et le regardant avec grande admiration. Et pendant qu’elles en étaient lr, nous vîmes venir du haut du rivage une femme tenant un gros bâton r la main, et quand elle se fut approchée du lieu ou se trouvait notre chrétien, elle lui vint par derricre, leva son bâton r la main et elle lui asséna un tel coup qu’elle l’étendit mort par terre. Les autres femmes le saisirent aussitôt par les pieds et le traîncrent vers le haut du rivage tandis que les hommes s’élanccrent vers la plage avec leurs arcs et nous accablcrent de traits […] Autour d’un grand feu qu’elles avaient fait, elles le rôtissaient sous nos yeux et nous montraient les nombreux morceaux avant de les manger. Les hommes nous faisaient savoir par leurs gestes comment ils avaient pareillement tué et mangé les deux autres chrétiens (p.113) t…