Recueil de neuf ‘carnets’ de la littérature de cordel, importante forme littéraire entre le conte et la fable du Nordeste brésilien. La traduction en a respecté la forme versifiée, illustrée par de nombreuses xylogravures. Certains récits sont devenus des classiques, littérairement aboutis.

 

D’entrée, trois choses attirent le regard sur ce joli livre :

1. la prosodie en heptasyllabes, rimés par strophes de six vers, avec parfois un acrostiche à la dernière strophe ;

2. le grand choix de reproduction de xylogravures, en noir ou rouge, faisant de ce livre de contes un ouvrage également dédié aux illustrations par gravures sur bois : voir en particulier la belle suite de 11 xylogravures (pp.104-114) qui précèdent le conte sur Charlemagne ;

3. et la belle facture ( format élégant, couvertures cartonnées, papier de qualité proche du centaure ) : l’ensemble constitue ainsi une belle idée de cadeau, pour jeunes et moins jeunes…

 

En effet, si le livre se range plutôt avec la littérature de jeunesse, les textes s’adressent à tous les publics. Le côté conte, et même fable dans certains cas, se double souvent d’une seconde lecture à laquelle le public adulte sera sensible. Par exemple, dans le premier extrait ci-dessous, l’allusion aux difficiles conditions socio-politiques de la population du Nordeste, personnifiées par les personnages du Renard et du Jaguar, est à peine voilée ; les quatre premières strophes en précisent d’ailleurs le cadre, avec des relents de paradis perdu…

 

Les critères retenus par les traductrices sont explicités : forme en strophes, respect général de la ponctuation d’origine, etc. On peut saluer la prouesse d’avoir rendu des vers rimés sans nuire au texte : la parenté des langues y a certainement aidé, mais le mérite est réel. En revanche, la contraction de l’article défini est discutable dans certains cas, comme lorsque existe dans le même vers la possibilité de prononcer une diphtongue en un pied, licence fréquente en poésie. A titre d’illustration, nous donnons ci-après les sept premières strophes des deux textes aboutis, qui comptent 44 et 26 strophes respectivement. Notons qu’après celui sur Charlemagne, suit un second qui brode sur la geste de Roland, Le Prince Roland dans le Lion d’Or ; bien plus long que le précédent, on regrettera que la traduction n’ait rendu que 140 des 180 strophes de l’édition originale. Diverses notes sur les textes, les auteurs et les graveurs complètent l’ouvrage.

 

 

Saci et la Bête feuillue au Royaume des Animaux

( auteur : Franklin Maxado Nordestino )

 

En des temps très reculés

Hommes et bêtes parlaient

Mais l’homme, étrange animal,

Les autres bêtes avale,

Leur rend la vie infernale

Et dévore même son égal

 

L’monde était un paradis

Qui devint très différent

Quand l’homme-animal se mit

A penser dangereusement.

Il cessa d’être innocent

Pour vivre comme à présent

 

Car gagner et exploiter

Sont ses p