Exposé très complet de l’histoire de l’Afrique lusophone, depuis sa conquête par les Portugais à l’indépendance moderne de l’Angola au Mozambique, tristes foyers de guerre civile que le livre explique en détail. Les chapitres sur la ‘découverte’ de l’Afrique sont passionnants.
Les quelques pays formant aujourd’hui l’Afrique lusophone ( Iles du Cap Vert, Guinée Bissau, São Tomé & Principe, Angola et Mozambique ) rendent mal compte de la présence portugaise dans les siècles passés. Après le Traité de Tordesillas, le Portugal s’était assuré l’exploration ( cf. Ca’ Da Mosto ) et l’exploitation exclusive des côtes africaines : les contrevenants s’exposaient à de lourdes sanctions ( cf. Eustache Delafosse). Mais déjà au début du XVe siècle, ce sont les Portugais qui s’emparent de Ceuta ( ville africaine qui deviendra possession espagnole à partir de 1640 ), et dans cette lancée, tentent d’arracher les Canaries aux Espagnols, étape importante de la route vers l’Amérique, et se contenteront dès lors de Madère et des Açores. Diverses bulles papales (1456, 1514 et 1534) donnent mission aux Portugais de conquérir de nouvelles terres et d’en évangéliser les habitants. En 1455, la constitution Romanus Pontifex autorise le roi du Portugal à « asservir tous les ‘Maures, païens et autres ennemis du Christ (p.25) ».
Ce livre est d’une rare richesse auquel son format poche ne rend pas honneur, même s’il autorise un prix modique qui devrait assurer une plus large diffusion. Il reste que pour le public français, plus sensibilisé à l’histoire du colonialisme français et britannique en Afrique, ce livre apporte un complément informatif sur une partie méconnue, mais importante et très intéressante, de l’histoire de l’Afrique. A titre d’exemple, voici un résumé des deux premiers chapitres ( sur les cinq ).
A la Conquête de l’Afrique
C’est le début de l’ère des explorations sous la houlette de Henri le Navigateur lequel, ironie de l’Histoire, jamais ne quitta son royaume. Ce frère cadet de dom João Ier finança ou aida l’expansion portugaise dans sa progression vers le sud qui rappelle celle du Carthaginois Hannon, quelque deux mille ans auparavant. C’était aussi la grande époque des caravelles, terme générique pour « un ensemble varié d’embarcations utilisées entre le XIIe et XVIIIe siècles. Les caravelles, dites ‘des découvertes’ ont dû leur succès à leur maniabilité dans des vents dont on maîtrisait mal le régime (p.15) ». Simplement, « la progression des navigateurs est entravée par le régime des vents de l’Atlantique sud, qui oblige les flottes venues du nord à dériver très loin vers l’ouest, à décrire une très vaste boucle avant de pouvoir obliquer vers le sud-est (p.19) », détour au compte duquel certains estiment que les Portugais auraient pu avoir connaissance du ‘Brésil’ bien avant sa découverte officielle en 1500.
Négociants dans l’âme, « les premiers échanges avec les habitants de l’Afrique ont lieu à bord des caravelles. Les sites insulaires, offrant de garanties comparables de sécurité, auront ensuite la préférence des Portugais pour établir leurs forts et leurs marchés (p.23) ». A partir de 1444 sont apparues les premières factoreries ( feitoria ) et les enchères d’esclaves capturés plus au nord et vendus au sud dans les nouveaux comptoirs, avec de grands bénéfices : « les factoreries participent à un double système commercial. Elles s’insèrent dans les réseaux commerciaux locaux. Les Portugais renoncent assez vite, sauf exception, à contrôler la production. Ils se bornent à détourner les routes caravanières vers les postes qu’ils détiennent (p.24) ». Un peu comme l’amiral chinois Zheng He un siècle auparavant dans le sud-est asiatique, les Portugais envoyèrent des ambassades auprès des rois locaux pour maintenir la paix et, surtout, pour assurer la « bonne circulation des marchandises (p.24) ».
Selon les modèles Génois et Vénitiens appliqués à leurs colonies méditerranéennes, les Portugais pratiquent la donation à des capitaines donataires, avec mission de distribuer « à des colons des lots fonciers, les sesmarias, que les bénéficiaires doivent mettre en culture dans un court délai, sous peine de perdre la concession (p.28) ». Naturellement, c’est aussi le début des lançados, sortes de ‘pieds noirs’ portugais venus en Afrique pour leur compte et développant un vaste marché illicite : ils « vendent aux Africains les armes et le fer, défient le monopole royal, trafiquent avec les étrangers. Ils participent cependant, à leur manière, à la diffusion du portugais, même sous une forme créolisée, à la permanence de communautés chrétiennes en terre africaine, au maintien d’une présence portugaise dans des régions délaissées par le royaume (pp.26-27) ». Les nouvelles conquêtes furent parfois le théâtre de rébellions autochtones, ou le réceptacle d’indésirables comme le feraient bientôt d’autres puissances européennes : « dom João II envoie par exemple deux mille enfants juifs à São Tomé en 1493 (p.29) ».
A partir du XVIe siècle, le commerce des épices dans les Indes