Vespucci partage avec Colomb de nombreux parallèles, dont quatre voyages aux Amériques en à peine quelques années d’écart. Bien né, Amerigo bénéficia aussi d’une bien meilleure éducation et d’une célébrité qui ont éclipsé les détails de sa vie comme de ses périples… Amerigo Mateo Vespucci naquit à Florence en 1454, dans un environnement intellectuel et familial propices. La très intéressante introduction précise combien l’érudition et les contacts entretenus par certains membres de sa famille durent éveiller l’esprit du futur navigateur, à commencer par deux oncles relativement célèbres, l’enseignant en sciences Bartolomé Vespucci, et l’humaniste et moine dominicain du couvent San Marco Fra Giorgio Antonio Vespucci, ce qui dut lui ouvrir les portes aux Medici. Sur le plan des arts, difficile pour une famille d’être plus ‘vernie’ : Ghirlandajo peignit et Da Vinci souhaita peindre des membres de sa famille, et c’est sans oublier que Bespucci fut voisin de Botticelli dont la célèbre Naissance de Vénus reprend « les traits de Simonetta Vespucci, jeune beauté » mariée à son cousin Marco Vespucci. On ne peut que concorder avec Jean-Paul Duviols quand il souligne qu’« Amerigo a donc évolué dans un environnement culturel et artistique exceptionnel (p.9) », dans une grande proximité géographique et intellectuelle avec Colomb ( né en 1451 ? ). Et il ne pouvait être à meilleure école, puisque Vespucci « s’occupa en particulier d’affréter la flotte de dix-sept caravelles qui partit de Cadix le 25 septembre 1493, celle du second voyage de Colomb. Il eut aussi la charge de préparer le voyage de Barthélémy Colomb en avril 1494, et celle de ‘faire la traite’ des esclaves indiens envoyés par les deux frères (pp.11,13) ». Avec son second voyage en 1499, Vespucci serait un des ‘découvreurs’ méconnus du Brésil, juste après deux autres Espagnols : « Diego de Lepe parvint dans cette même région avec ses quatre caravelles, un mois et demi après Pinzón. Ces trois expéditions, enlèveraient donc la priorité de la découverte à Álvares Cabral qui n’aborda à la terre de la Vera Cruz que le 26 janvier 1500. Mais il est avéré que ces caravelles espagnoles avaient été elles-mêmes précédées par des navigateurs portugais (p.29) », en particulier Duarte Pacheco. Mais ce n’est pas cela qui lui assura sa postérité continentale : c’est la carte qu’il fit de la côte Est de l’Amérique du Sud lors de son troisième voyage qui amena un jeune cartographe à l’autre bout de l’Europe, l’actuel Saint-Dié dans les Vosges, à donner son nom au nouveau continent en 1507 : une très belle reproduction de la carte de Martin Waldseemüller est reproduite aux pages 46-47. La justification « de cette appellation nouvelle est triple : 1° Amerigo en est le découvreur et c’est un homme remarquable ; 2° son nom complète harmonieusement les noms déjà existant pour les autres parties du monde ; 3° ce sont ses écrits qui ont fait le mieux connaître les terres nouvelles et leurs habitants (p.42) »… Le présent ouvrage reprend les divers documents parvenus de la main de Vespucci : son Mundus Novus, sa Lettera et ses Lettres Familières adressées à Florence à Lorenzo di Pierfrancesco di Medici, dont la quatrième et dernière reproduit la signature serrée du navigateur. La suite de cette chronique reproduit plusieurs extraits du livre, articulés autour de trois thèmes : Vespucci comme homme de sciences, la polémique sur le nombre de ses voyages, et son témoignage sur les Amérindiens. Vespucci : premier navigateur scientifique L’introduction rappelle l’ambition extraordinaire de l’intéressé, nourri par l’exploit de Colomb aussi bien que par ses connexions Florentines : « son ambition, comme il l’a écrit à plusieurs reprises, était de rester dans la mémoire des hommes comme un découvreur qui avait imposé la navigation scientifique par ses remarquables qualités d’astronome (p.39) ». Le fragment Ridolfi ( adressé à Lorenzo di Medici ) est à cet égard éloquent : « je vous ai déjà dit que dans cet hémisphère, les quatre saisons sont à l’opposé des nôtres […] car le jour le plus long que j’ai connu dans ces régions, ce fut à la mi-décembre, et au contraire, la nuit la plus longue, ce fut à la mi-juin. Et ceci, je l’ai observé un nombre infini de fois avec tous mes instruments […] vous savez bien que selon les démonstrations mathématiques, le soleil a deux positions différentes dans le cercle qu’il décrit : le premier s’appelle apogée, l’autre l’apogée opposé et que lorsque le soleil se trouve à son apogée, ce qui correspond, à mon avis, à 3° du Cancer, époque à laquelle il se trouve à la plus grande distance de sa ligne de la terre et que, par conséquent, l’air devrait être plus froid pour nous, nous observons le contraire. En effet, c’est à cette époque que nous avons la chaleur la plus intense. Ce qui en est la cause, c’est qu’à ce moment-là, il s’approche davantage de notre zénith et il darde ses rayons les plus perpendiculaires, ce qui leur permet de dissiper plus rapidement les vapeurs denses des hautes régions de l’air (p.123) ». En ces années à peine antérieures à la révolution Copernicienne, on peut pardonner l’erreur : c’est la Terre qui a un apogée et un hypogée, sur une orbite elliptique à deux foyers dont l’un est le Soleil. Son explication sur l’inclination des rayons solaires est juste, mais pas celle de la dissipation des vapeurs. Par ailleurs, Jean-Paul Duviols est sans doute dans le vrai dans cette supposition : « Vespucci qui était si féru dans la mesure des latitudes a dû se rendre compte qu’en atteignant 50°, il se trouvait à 15° plus au sud que le cap des Tempêtes qui était le point le plus méridional de l’Afrique et surtout d’au moins 50° plus au sud que l’Asie la plus méridionale de Vasco de Gama. On peut supposer que cette constatation a dû l’amener à considérer qu’il avait abordé un continent différent, indépendant de l’Asie et ignoré des Anciens, comme on peut le lire dans le Mundus Novus dont le titre est par ailleurs, suffisamment explicite (p.32) ». Enfin, bien qu’anecdotique, la remarque suivante de Vespucci en dit un peu plus sur le personnage : « ce qui est certain c&rsquo