En 1625, le navire transportant ce jésuite vers Macao s’échoue sur une côte reculée de Chine : une partie de l’équipage est massacrée, l’autre emprisonnée un an durant. Le missionnaire relate ses observations et expérience du quotidien de ce ‘nouveau monde’. Nombreux dessins. Février 1625 : le frêle esquif d’un missionnaire jésuite en route pour Macao se fracasse sur une côte hostile… Ce naufrage n’est que la première épreuve d’un longue série : les habitants de cette contrée perdue de Chine massacrent plusieurs survivants, les autres sont détenus arbitrairement pendant plus d’un an. Au terme de ce purgatoire, ils sont conduits à Guangzhou ( Canton ) où un magistrat bienveillant prononce leur mise en liberté, suite à quoi le père Adriano de las Cortes rédige l’histoire de cet infructueux voyage assortie de nombreuses observations sur la vie quotidienne du peuple chinois. Le père Adriano n’était pas censé vivre son sacerdoce en Chine, d’où la valeur de ce texte qui retranscrit véritablement sa découverte d’un environnement inconfortable mais passionnant. La curiosité va d’abord à ses confrères bonzes, avec comme de juste une pitié condescendante envers eux ; vient ensuite la question des repas, les malheureux captifs étant réduits, comme les Chinois ordinaires, à un peu de riz et de minuscules morceaux de porc, poisson et légumes. Les mandarins sont mieux lotis, buvant une sorte de vin, entre autres. Dans l’ensemble, ce monde est très sobre comparé à l’Europe. Suivent mille digressions : menace des tigres et comment s’en protéger, entraînement des soldats et leur misérable condition, psychologie du Chinois moyen et scolarité, viande de chien et de porc, oies et canards, nids d’hirondelles et pêche au cormoran, sucre et miel sauvage, fruits et légumes, architecture et polygamie, métaux précieux et textiles, paganisme et plantes médicinales… Ces passages encyclopédiques sont efficacement construits : on sent la solide formation jésuite grâce à laquelle cet explorateur involontaire entre dans de plus fins détails sans perdre la vision globale. Par exemple, la situation économique d’un ménage ordinaire est magistralement analysée, plusieurs pages exposent le rôle vital du jardin potager, le recyclage des déchets de toute espèce et chaque aspect de ce fragile bonheur domestique. D’autres pages traitent de la puissance impériale, sur le plan économique ou administratif. En tant qu’Espagnol de naissance, l’absence de grands seigneurs le surprend comme l’aspect totalitaire de ce système féodal : comme l’Etoile Polaire, l’Empereur ( Ming ) est au centre du dispositif et tout l’empire gravite autour de sa personne. En homme rigoureux, le père Adriano dresse aussi une liste des points qu’il n’a pas abordés : diversité des corps de fonctionnaires, forme des idéogrammes, types de bouddhisme, coutumes qu’il n’a pas eu l’occasion d’observer, etc. Pour ces sujets, il renvoie aux écrits d’autres membres de son Ordre. Le texte aborde ensuite l’issue du procès des intrus, les autorités de Macao incitant celles de Canton à la clémence. Un retard est dû à un changement de gouverneur, mais les audiences ont enfin lieu, et la captivité prend fin, ainsi que la première partie de l’ouvrage. La seconde est pour l’essentiel un magnifique recueil de dessins d’un peintre chinois de Manille, alors possession espagnole, d’après des esquisses du père Adriano. On y admire des dizaines de figures d’objets, animaux et personnes décrites dans la première partie de livre, avec notes explicatives. Un début d’appendice ( nul ne sait si une suite a existé ) parle de la chrétienté chinoise, dont on sent que l’auteur peine à dire quelque chose de positif, ne l’ayant pas rencontrée. L’ouvrage est ainsi une merveilleuse ressource, enrichie d’une solide introduction et de d’utiles notes finales de Pascale Girard, auteur de la bibliographie et des trois index : de quoi effectuer un beau voyage en Chine dans le temps…

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