1543, l'année du Japon

 

Voici un livre inestimable, illustré de vénérables cartes, qui rassemble les témoignages des marchands et missionnaires portugais – dont François Xavier – qui furent les premiers Européens à aborder les côtes du Japon. Tout commence en 1543, quand un bateau portugais en route pour la Chine, pris dans un typhon, finit sa course sur une île dans le sud de l’archipel nippon. La nouvelle de cette découverte attire vite l’attention du père François Xavier, cofondateur de la Compagnie de Jésus, qui débarque en 1549 au Japon. II est d'abord enchanté par les autochtones, « le meilleur d’entre les peuples découverts jusqu’à présent, et il me semble qu'il ne s'en trouvera pas d’autres parmi les infidèles qui l’emportera sur les Japonais. Ils sont d'un commerce agréable, généralement bons ; ils n’ont nulle malice et sont fort jaloux de I 'honneur qu'ils estiment plus que tout autre chose. » Pendant deux ans, jusqu'à son départ pour la Chine où il mourra en 1552, lui et ses jésuites vont déployer une intense activité, apprenant la langue, rencontrant les seigneurs, dont certains se convertiront à la foi chrétienne, comme beaucoup de gens du peuple (en 1590, selon les jésuites, près de 300 000 Japonais étaient chrétiens).

En revanche, c'est plus délicat avec les bonzes des sectes bouddhistes, rétifs au dogme chrétien, et, surtout, adeptes de pratiques qui horrifient les propagateurs de la Sainte Foi. Reçu par le supérieur d'un monastère zen « le père (François Xavier) dès les premiers moments le réprimanda à voix très haute et reprocha aux autres, en termes encore plus âpres, de s’adonner sans vergogne à l’abominable vice de Sodome. II leur reprocha, de même, de laisser entendre au peuple qu'il n'y avait rien après cette vie. » A la fin du XVIe siècle, les affaires se gâtent pour les Portugais avec le processus d'unification politique du pays et l’arrivée des Néerlandais, qui eux ne font pas de prosélytisme. En l6l4, un décret antichrétien du shogun Tokugawa leyasu met fin au « siècle chrétien » nippon. Le Japon se referme. Il ne s'ouvrira à nouveau que deux siècles plus tard, avec l’ère Meiji.

Bernard Loupias