L’auteur de ce livre, paru il y a quarante ans, utilise les souvenirs de sa famille — il est né en 1896 — pour évoquer la vie des maîtres et esclaves d’une plantation de café à la fin du Brésil impérial. A la fin de cette courte et décisive période, l’histoire de l’immense pays entre dans le vingtième siècle.

Dom Pedro I, fils du Régent du Portugal qui devant la menace napoléonienne s’était établi avec la Cour à Rio de Janeiro, était devenu empereur en 1822. Dom Pedro II, son fils, lui succédera et, avant sa destitution, la loi sur l’abolition de l’esclavage complétant celles de 1856 et 1871, sera votée en 1888 tandis que la République sera proclamée un an plus tard.

Depuis près d’un siècle, la main d’œuvre noire avait fait la richesse des planteurs de café des hautes vallées de la Serra do Mar, à la frontière des provinces de Rio de Janeiro et de Minas Gerais. L’action du livre se situe dans l’une des plantations de la vallée du fleuve Paraiba. La page de couverture donne une idée de la magnificence de la maison «aux vingt fenêtres» isolée au milieu des champs de caféiers où vingt contremaîtres et surveillants, le fouet à la main, font travailler une foule d’esclaves.

Avec la mort de la petite fille de la maison, «a menina morta», un lourd sentiment d’angoisse s’installe dès le début de l’histoire et l’imprègne jusqu’à la fin. Les mesures d’affranchissement font pressentir que la disparition de la main d’oeuvre servile ainsi que l’épuisement progressif des terres à café seront l’arrêt de mort des plantations dont celle où à vécu la famille de l’auteur.

Le talent narratif de celui-ci ressuscite un Brésil d’autrefois : crinolines et dévotions pour les dames entourées, dans le «salon de couture», d’esclaves domestiques dont le dévouement pour leurs maîtres n’exclut pas la réprobation muette de leurs nocturnes secrets. Celui du maître impérieux du domaine — le Commandeur — n’est pas des moindres. Une atmosphère de silence, de terreur entoure l’autorité qu’il exerce sur épouse, enfants, cousins et cousines recueillis et sur les esclaves de la maison et des champs.

Bien qu’une bonne récolte de café soit l’occasion de réjouissances partagées par tous, le travail servile au quotidien est assorti de coups de férule et de fouet, d’enchaînement et de mort. Des armes sont dissimulées pour réprimer tout soulèvement de ces «captifs sous haute surveillance». La communication entre eux a été rendue difficile par le fait de séparer systématiquement les membres d’une même ethnie africaine. Leur «baragouin» est le moindre des reproches que leur font les maîtres qui ne croient pas qu’une seule