«L’auteur a fait de l’évocation du paysage mental et physique du Nord-Est brésilien – là où la monoculture de la canne à sucre a jeté les bases d’une civilisation – un culte quasi obsessionnel. Malgré son talent de documentaliste, sa fascination pour la colonisation agraire des Portugais, structurée selon lui autour du triangle moulin-maison de maître (avec logements des esclaves) – chapelle, a contribué, surtout autour des années 50-60, à la folklorisation du phénomène de l’exotisme et de la miscigénation dont le Brésil est l’exemple. Il est bon, pour la lecture d’une analyse anthropologique, de suivre la méthode développée, en l’occurrence l’expressionnisme, selon l’auteur de Terres du sucre. Aussi le lecteur sur les traces de l’univers de la monoculture coloniale nordestine est-il soumis à l’épreuve de quelques métaphores: «La terre ici est gluante et visqueuse. Elle colle aux hommes comme une femelle. Mais en même temps, elle semble jouir de se sentir foulée et blessée par les pieds humains…». Plus loin, l’auteur fouille dans les albums de famille et les récits du voyageur français Tollennare pour retrouver de fines demoiselles nageant nues dans les rivières au milieu des nègres de la maison. Et ne cesse d’insister sur le raffinement tout européen de ces dames et messieurs de la nouvelle aristocratie. On comprend pourquoi ce récit passionnel a été longtemps un des modèles de l’histoire des mentalités au Brésil. Il a véritablement la force d’un fantasme. Serait-ce pourquoi ces tentatives d’une approche critique de la monoculture, de la destruction de l’écosystème de cette région, des drames de l’histoire sociale, nous semblent vaines sous la plume de Gilberto Freyre, malgré la démarche analytique? À moins que Terres du sucre ne soit le chant exotique qui dévoile pour mieux voiler ce que furent quatre siècles de dominations diverses. De la colonisation à nos jours, il reste l’image de ce pays aujourd’hui déchiré. » Rosa Freitas.