«Année 54. Dans un contexte de guerre froide, le climat politique est tendu. Depuis plusieurs mois, des pressions états-uniennes s’exercent contre les tendances nationalistes ayant poussé par exemple à la création de Petrobras; à l’intérieur, la gauche trouvant Getúlio Vargas trop timoré se radicalise, tandis que de puissantes manifestations et des grèves font craindre, à droite, une emprise des communistes sur le gouvernement. Le ministre du travail, João Goulart, récemment nommé, a été ainsi contraint de démissionner en février… Le 5 août, un attentat manqué contre Carlos Lacerda, directeur de A Tribuna da Imprensa, virulent journal d’opposition, tue un de ses gardes du corps, le major de l’Aviation Rubens Vaz. La crise politique s’aggrave et se cristallise autour du “crime de la rue Tonelero”, dans lequel l’entourage du président est vite impliqué. Comme tétanisée, empêtrée dans un “océan de boue”, la majorité ne parvient pas à réagir. Les militaires, les hommes politiques, l’opinion publique, tous semblent lâcher le président, acculé à la démission. Finalement le 24, Getúlio Vargas se tire une balle dans le cœur. Par cet ultime geste qui le fait ”entrer dans l’histoire” en martyr, il désarme ses ennemis et conquiert définitivement un statut de héros. En situant son roman pendant ces journées parmi les plus dramatiques de l’histoire brésilienne, Rubem Fonseca n’a pas entrepris une œuvre d’éducation politique, même si on peut supposer qu’il y exorcise quelques vieux démons. Dans Agosto (devenu en français Un été brésilien. Les éditeurs auraient-ils oublié que le Brésil c’est le monde à l’envers…), c’est plutôt l’événement, l’anecdote, qu’il croise avec sa trame policière imaginaire, et ce n’est déjà pas inintéressant. Le livre se tient, plutôt, mieux même que l’étalage d’érudition qui farcissait Bufo & Sapallanzani. La matière est riche, encore vive et passionnelle – traversée par exemple par la silhouette de Tancredo, alors ministre de la Justice. Comparé à ces prédécesseurs, le personnage central, le policier Alberto Mattos, a perdu en cynisme, gagné en humanité. L’auteur s’est-il souvenu de ses années 50, quand il était commissaire à Madureira ? La leçon, s’il faut en voir une, reste désabusée, Mattos, pourtant intelligent, s’aveugle sur de fausses pistes, se laisse emporter par l’exaltation populaire après le suicide de Vargas, l’Histoire à grand H n’est qu’une “stupide succession d’événements aléatoires, une intrigue inepte, peuplée de fantômes, et rendue incompréhensible par les mensonges, les fausses déductions, les illusions”. Le romancier est plus à l’aise dans le tressage des intrigues, une technique aussi délicate et compliquée que le montage d’un film. On passe haletant de l’assassinat fictif d’un homme d’affaires plus ou moins véreux au bien réel Gregório Fortunato, surnommé l’Ange Noir, chef de la garde privée de Vargas et l’un des commanditaires de l’attentat. Puis du palais présidentiel du Catete au commissariat de quartier de Mattos où croupissent des dizaines de détenus en attente de jugement, voire d’inculpation. Le commissaire joue un peu les justiciers, les incorruptibles, ce qui l’amène parfois à agir en dehors de la loi et à affronter collègues et supérieurs. C’est la loi du genre. Il a en outre deux femmes sur les bras, ça complique. La critique avait porté au pinacle Fonseca, notamment depuis qu’en 1976 la censure s’en était prise à Feliz Ano Novo. Elle ne savait peut-être pas, alors, la responsabilité de l’écrivain dans l’avènement de ce régime qui le censurait. Ces derniers temps, l’enthousiasme est un peu retombé. Preuve de plus de mesure? Mais pourquoi faire la fine bouche ici, Agosto  se lit sans déplaisir, avidement. Comme un polar, quoi.» M. Riaudel