Alfredo Bosi ne s’est pas satisfait des diverses lectures du processus de formation de la culture brésilienne, dont certaines ont depuis longtemps pignon sur rue. Ni évolutionniste et européocentrée, ni nationaliste, marxiste ou psychologisante, son interprétation cherche les clés du multiple et du métissage, pour un processus, dit-il, encore inachevé. Autrement dit, il insiste sur les confrontations «dialectiques», dialogiques pourrait-on dire, bipolaires, qui ont cristallisé les tensions de chaque époque: jésuites et bandeirantes, indianisme et «doux esclavage», abolitionnisme tragique, progressisme libertaire et darwinisme racial. Ainsi se dessine peu à peu, au fil de chapitres plus ou moins indépendants, car écrits séparément, au gré des cours, recherches ou conférences, un point de vue : cela donne La Culture brésilienne : une dialectique de la colonisation, un ouvrage déjà presque classique et maintenant disponible en français. Alfredo Bosi fonde son corpus sur la littérature et l’essai, le roman, la poésie ou l’art oratoire, le discours politique. Mais vers où va-t-il chercher son supplément d’âme sans lequel il n’est pas de voie innovante? Vers les écoles italiennes. Vico, Gramsci, de moins en moins, les jésuites, de plus en plus… Attaché à autonomiser les superstructures, il place son analyse au cœur d’un triangle: colo, la terre, l’ancrage dans le réel, dans le présent; cultus, la mémoire, la tradition, le passé, conservateur ou simplement rétrospectif; cultura, le projet, l’utopie, l’innovation, le futur, modernisateur ou seulement techniciste. Voilà la dialectique rétablie (trad. Jean Briant, L’Harmattan, 452 p.).