Rémi Mistry dans A nous Paris, 2016
Constat peu réjouissant, les librairies étrangères disparaissent toutes une à une depuis quelques années dans la capitale, subissant de plein fouet la concurrence d’internet. A ce titre, la Librairie portugaise et brésilienne fait quasiment figure de dernier des Mohicans. Née il y a tout juste trente ans, la petite boutique de la rue Tournefort s’est peu à peu agrandie pour finir par déménager dans un grand espace avec vue sur la ravissante Place de l’Estrapade, à deux foulées du Panthéon.
Si le lieu est toujours vivant, c’est en grande partie grâce au travail acharné de son créateur Michel Chandeigne, bouillonnant d’enthousiasme lorsqu’il s’agit de partager son coup de foudre pour le Portugal, pays qui a bouleversé sa vie : « A 25 ans, j’ai été envoyé comme coopérant militaire à Lisbonne et ça été un choc. J’ai découvert une ville extraordinaire, une langue fascinante que j’ai vite apprise et une culture très riche que j’ai voulu continuer à travailler en me lançant dans l’édition et la traduction à mon retour en France au début des années 80. Ça coïncidait avec la période où l’on découvrait la littérature portugaise et notamment Pessoa, il y avait une sorte d’euphorie autour de ce pays qui entrait dans l’Europe ».
Depuis, cet amoureux des belles-lettres multiplie les conférences et les traductions et a publié plus de 150 ouvrages sur la culture portugaise que l’on trouve logiquement dans sa librairie, tout comme des milliers de références en provenance d’autres éditeurs : littérature en langue originale ou traduite, essais, livres jeunesse, bandes dessinées, recueils de poésie mais surtout ouvrages d’histoire retraçant les récits foisonnants des explorations. « Entre le XVe et le XVIIIe siècle, les Portugais sont allés partout, de Terre-Neuve au Japon, et ont beaucoup cartographié. Le portugais n’est pas la langue d’un seul pays mais aussi d’une partie de l’Afrique comme l’Angola, le Cap-Vert ou le Mozambique dont sont issus de grands auteurs comme Mia Couto qui n’a guère quitté ma vitrine depuis des mois. » Une véritable librairie de fond donc mais pas communautaire pour un sou, insiste Michel Chandeigne, dans laquelle se croisent historiens érudits et futurs vacanciers en quête d’un bon guide touristique ou d’une méthode d’apprentissage de la langue. Un lieu salutaire qui offre un beau panorama d’une culture trop souvent réduite à une somme de clichés.