Le verbe de certains écrivains s’enracine et croît dans une région spécifique : la terre, la faune, la flore, les gens, leur parler font pulser la phrase, colorent l’écriture. L’Andalousie habite la poésie de García Lorca, la vie du kibboutz a inspiré les histoires d’Amos Oz…

Né en 1950 à Saboeiro dans l’Etat du Ceará, Ronaldo Correia de Brito puise dans le paysage aride de sa terre natale, le sertão du Nordeste brésilien, pour composer des drames imprégnés de tradition rurale et de rites archaïques. A l’heure du miracle économique de l’un des fameux Brics, ces géants du Sud plus qu’émergents, ce médecin à la fois dramaturge et auteur de fiction prend le présent à rebrousse-poil ou plutôt explore ces poches d’inconscient et de rêve qui résistent à la logique rationnelle de la modernité. Car si les hommes ont parfois la mémoire courte, jamais les objets n’oublient. Ce recueil de nouvelles est traversé par les esprits.

Avec Correia de Brito, ce n’est pas le réalisme qui est magique, c’est la magie qui est l’expression du réel. Le couteau qui frappa la pauvre Donana fut lancé au loin dans le champ. La fille dont le père venait de poignarder sa mère ne voulait pas que son parent assassin connût le même sort que la victime. Comment Francisca avait-elle eu la force d’arracher l’arme du crime des mains de ses oncles maternels criant vengeance ? Une chose est sûre : on ne retrouva plus le poignard dont le tintement métallique contre une pierre résonnerait longtemps dans les oreilles du coupable (« Lame »)…

Dans la nouvelle-titre, « Le jour où Otacílio Mendes vit le soleil », le héros revêt de puantes loques en attendant d’occuper son cercueil. Dans cette contrée nordestine, les mutations sociales n’affectent ni les excentricités de certains propriétaires terriens ni les non-dits immémoriaux. L’hospitalité est sacrée, et le Vieillard de « L’attente de l’escadron » recueille un fugitif au péril de sa propre vie.

SEAN J. ROSE