Ouvrage emblématique des atrocités commises en Angleterre et en France à la fin du XVIe siècle, pendant les guerres de religion ( dont la Saint Barthélémy de triste mémoire ) : ces gravures commentées témoignent de la barbarie humaine lors de phénomènes de masses… La longue préface éclaire la genèse de ce livre essentiellement iconographique ( et appuyé par des commentaire ) qui doit beaucoup au climat politique et religieux de son temps : « le Théâtre des cruautés de Richard Vestergan prend place, en effet, dans l’intervalle de deux événements d’une portée symbolique considérable : la décapitation de Marie Stuart à Fotheringhay le 18 février 1587, après dix-neuf ans de captivité, et la dispersion de l’Invincible Armada sous l’action conjuguée des corsaires anglais, dont le fameux Francis Drake, des vents et des flots démontés de la Manche et de la Mer du Nord durant l’été 1588 (p.7) ». Cette présentation détaille aussi la hâte avec laquelle il fut réalisé, au point que les commentaires traduits à l’époque sont dans un français approximatif, au contraire du prologue rédigé par un anonyme en langage soutenu. L’ensemble termine par une bibliographie commentée. L’échec de la volonté espagnole d’envahir l’Angleterre mit fin aux espoirs des catholiques Anglais, tout en signant par là même la mort des pro-Espagnols comme le Duc de Guise et le début des pogromes contre les protestants sur le continent européens. Les commentaires et épigrammes qui accompagnent la plupart des gravures ( en fait souvent plus répétitifs que dénombrant autant de faits individuels ) montrent l’étendue de l’exacerbation populaire envers un ennemi commun. Cette brutalité féroce, sans compassion pour le calvaire infligé avec une diabolique ingéniosité, montre l’étendue sans bornes de la cruauté humaine quand elle s’empare d’un groupe. Cette ‘légitimation’ apparente de la haine de l’autre, que certains psychologues qualifient d’épidémie psychique, sert à poursuivre l’horreur en refoulant sa responsabilité une fois passée la folie criminelle. L’ouvrage est politiquement orienté, en ce que ce sont les protestants d’Angleterre, les huguenots de France et les gueux des Pays-Bas qui font office de tortionnaires sanguinaires, avec un goût certain pour démembrer, éventrer et éviscérer… Pour peu qu’on s’arrête à leur seule contemplation, les gravures peuvent laisser insensible, car « la boucherie entre ici en concurrence avec la sculpture. Au mépris de la vérité anatomique, on ne découpe pas selon les articulations, mais en plein membre, suivant des cassures franches : le dépeçage fait place au démontage. Dans le Théâtre des cruautés, on démonte plutôt que l’on ne torture. Tout cela reste miraculeusement abstrait. Dans le Martyre de saint Erasme de Dirk Bouts, le sang ne coule pas, en dépit du ventre ouvert et de l’intestin méticuleusement déroulé, puis enroulé à nouveau sur une broche. Pas une goutte ! De même chez Vestergan, le mérite de la taille-douce est de ne montrer le plus souvent que des lignes, incisions, griffures, plaies vives et nettes, non des taches ou des surfaces colorées (pp.19-20) ». Pour ceux qui ont l’imagination fertile en revanche, en particulier les jeunes lecteurs, l’ouvrage n’est sans doute pas à mettre entre toutes les mains. Florilège : Page 94 : [A] En la paroisse de Chasseneuil près d’Angoulême ils prirent un prêtre nommé Louis Fayard, homme, selon le rapport et témoignage des habitants du lieu, de fort bonne vie et vertueux exemple ; ils lui mirent les mains dans une chaudière pleine d’huile toute bouillante, et à plusieurs fois si souvent et si longuement, qu’enfin sa chair cuite et séparée des os tomba. Et non contents de si cruel tourment, lui versèrent de cette même huile bouillante dedans la bouche, et eux voyant que ce martyr n’était encore mort, le arquebusèrent. [B] Ils prirent un autre prêtre nommé maître Colin Guillebant vicaire de S. Auzanni, lequel, après lui avoir coupé les parties honteuses, ils enfermèrent dedans un coffre tout percé de trous de tarière, puis versèrent sur ce pauvre enfermé telle quantité d’huile toute bouillante, qu’ils le firent mourir en ce tourment. [C] En la paroisse de Rivières, ils en prirent encore un autre, auquel tout vif ils arrachèrent la langue par-dessous le menton, puis le tuèrent. Semblablement à un autre nomme M. Jean Bachelon de Lanville ils écorchèrent les pieds avec fers chauds, puis lui coupèrent la gorge. Page 104 : [A] A Saint-Macaire en Gascogne ils ouvraient les ventres des prêtres, et peu à peu enroulaient les entrailles d’iceux autour de bâtons. [BC] Au même lieu ils enterrèrent plusieurs prêtres tout vifs, et à coups d’épées taillèrent en pièces les petits enfants des catholiques. [D] En la ville de Mans ils prirent un prêtre fort âgé, lui coupèrent les parties honteuses, les firent rôtir sur le gril, puis le contraignirent les manger, et pour voir comme il les digérait, lui ouvrirent l’estomac vivant, et lui firent ainsi finir ses jours. Page 106 : [A] Du temps que François Du Cassé était lieutenant pour le roi de Navarre en la ville de Bazas en Gascogne, deux de ses soldats ayant forcé une femme veuve, la tirèrent couchée sur le dos, et lui emplirent la partie honteuse de poudre à canon, y mirent le feu, ce qui lui fit crever le ventre et épandre ses entrailles dehors, et rendit en ce tourment son innocent esprit à Dieu. […] [C] En la ville de Montbrison, le baron des Adrets fit précipiter plusieurs catholiques du haut d’une tour haute en bas, et de peur qu’ils n’échappassent, ses soldats par son commandement les recevaient en bas sur la pointe de leurs piques. Page 108 : L’impudence et barbarie d’un huguenot fut telle, qu’il se fit une chaîne d’oreilles de prêtres, [A] laquelle il portait à son col publiquement, et s’en glorifiait devant les chefs de l’armée. [B] Ils coupèrent le nez, les oreilles, et crevèrent les yeux à plusieurs prêtres ministrant à Dieu. [C] Ils fendirent un prêtre par le ventre tout vif, en tirèrent les entrailles, y mirent de l’avoine, et en firent une mangeoire pour les chevaux. [D] Les hérétiques de la ville de Nîmes en Languedoc daguèrent de sang froid un grand nombre de catholiques, et demi-morts les jetèrent dans le puits de l’