Ouvrage collectif de romanistes : méthode d’intercompréhension français – espagnol – italien – portugais – roumain à partir de leurs innombrables similitudes, permettant de simples conjectures et encourageant une attitude d’ouverture mutuelle des locuteurs de langues romanes. Le français est au centre du livre, comme cela pourrait l’être pour chacune des quatre autres langues dans des versions à adresser à leurs communautés respectives. Ainsi, tout au long de ses vingt et un chapitres et trois annexes, les particularités du français sont mises en perspective avec l’italien, l’espagnol, le portugais et le roumain. La part du latin a été délibérément réduite à la portion congrue, vu le faible nombre de locuteurs et le raisonnement synchronique des auteurs ; une prise en compte du latin requiert plutôt la diachronie, à savoir une perspective temporelle englobant diverses périodes. Dans son avant-propos, Jørgen Schmitt Jensen ( Université d’Aarhus ) rappelle comment son expérience de l’intercompréhension des trois langues scandinaves lui inspira le projet à l’origine de ce livre, et qui fit dès 1992 l’objet d’un programme scientifique de la Maison des Sciences de l’Homme à Paris. Pour comprendre la démarche de son groupe de travail et les résultats obtenus, examinons la structure globale du Traité d’intercompréhension. Les premières pages expliquent la singularité du français par rapport aux quatre autres langues, en particulier son caractère analytique et abstrait, là où les autres sont plus créatives et imagées. Ces divergences sont cependant minimes face à leurs innombrables ressemblances. Ainsi, par exemple, chacune des cinq langues peut jouer sur le contraste entre un type pauvre ( désargenté ) et un pauvre type ( déficient en un autre domaine ). Pour développer cet éventail de similitudes et de contrastes, les auteurs procèdent méthodiquement, en commençant par leurs orthographes, plus régulières que le français, ce qui facilite la compréhension de l’écrit ; la prononciation demande un peu plus d’efforts. Les trois chapitres suivants abordent le lexique en général, avec un peu de latin surtout pour l’étymologie : sont discutées d’intéressantes correspondances sémantiques ( par exemple, sueño en espagnol désigne rêve et somme ), et à l’inverse d’intéressantes différences, telle l’absence remarquable des diminutifs et augmentatifs en français, alors qu’ils foisonnent dans les autres langues. Le texte se focalise ensuite sur des catégories plus spécialisées et les statuts grammaticaux : nom, adjectif, pronoms personnels, divers déterminants, numéraux, verbe dans les phrases simples et complexes, prépositions, conjonctions et adverbes. Le dernier chapitre aborde le fonctionnement de Oui et de Non, avec leurs emplois dans nombre de types de situations. Chacun de ces chapitres va à l’essentiel, en exposant ses observations en tableaux, une langue par colonne, facilitant la lecture et la consultation ciblée de l’ouvrage, véritable somme d’observations comparatives. Que ce soit dans des cas simples ( accent circonflexe et consonnes ) ou complexe ( richesse des conjugaisons de verbes ), la présentation est toujours claire et informative. La clé de cette approche est que les différences existant entre ces cinq langues peuvent être décrites, en première approximation, par des règles de correspondance. Par exemple, plein se dit pieno, lleno, cheio ou plin selon la langue : on peut donc déduire une conjecture sur le comportement du mot plan, et de tels cas sont innombrables. C’est tout le mérite de cette entreprise que d’encourager une attitude d’ouverture mutuelle des locuteurs de langues romanes, et de leurs donner les moyens concrets de le faire. Il ne reste plus qu’à étendre cette passionnante démarche au catalan, aux diverses formes d’occitan et aux autres langues romanes non abordées. Cet ouvrage, coordonné par Jacqueline Brunet et Jack Schmidely, est ce qu’il y a de mieux pour ouvrir une telle voie.

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