Le Palais Fronteira, près de Lisbonne, est réputé pour l’originalité de ses azulejos du XVIIIe siècle, mélange de bestiaire et de scènes de chasse, avec force allégories burlesques et fantastiques. Elles ont inspiré à l’écrivain, qui y a séjourné, le conte caché de ces faïences… Le texte de Pascal Quignard est une nouvelle brodée sur les scènes des différents tableaux que comptent le jardin et les divers bâtiments du palais. Sans la dévoiler, il s’agit d’amours plus lestes que chevaleresques, où passion et honneurs bafoués exigent chacun leur part de tribut, au prix du sang. Si l’histoire peut se lire seule, sa confrontation avec les azulejos plonge le lecteur davantage dans l’onirisme de ces faïences tout en rehaussant celui de l’auteur. Ce titre publié originellement aux éditions Chandeigne ( 1991, remanié en 2003 ) a l’avantage sur la version Folio d’avoir une soixantaine de reproductions couleurs sur papier de qualité : l’esthète amateur de Quignard a là un bien bel objet, relié, avec couverture cartonnée recouverte d’une élégante jaquette. Lesdites reproductions se répartissent en trois groupes : une quinzaine pour illustrer la nouvelle, suivies de la trentaine qui compose le bestiaire, le reste illustrant en fin d’ouvrage une éclairante note historique sur le Palais Fronteira, rédigée par José Meco. Le livre a donc deux objets : ces azulejos du Palais Fronteira et, bien entendu, la nouvelle qui en a repris le titre. Le texte est ramassé et les phrases courtes, sans développements ni adjectifs inutiles : la narration progresse rapidement, sans longueurs. Certains passages sont parfois crus, privilège certain de l’écrivain, mais sans doute gratuits en allant tant au-delà des desseins composés par ces artistes aujourd’hui oubliés. Ailleurs, d’autres scènes sont de forte valeur littéraire, mais les différents tableaux sont de qualité inégale : affaire de goût sans doute. Il n’empêche que, sans pour autant s’extasier comme cela est de mise dans certains cercles, l’imagination est à saluer : le récit de Quignard est un hommage à une œuvre ancienne autant qu’une cruelle histoire passionnelle qu’on peut parcourir avec plaisir.

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