Les deux voyages de Vasco de Gama, dont la première liaison maritime directe entre le Portugal et les Indes par contournement de l’Afrique, sont connus par onze témoignages la plupart oculaires, ici enfin réunis, avec moult croquis et cartes d’époque ( 16 en couleurs ). Cet important opus de la littérature de voyages est préfacé d’une bonne étude présentant l’environnement historique autant que l’apport de chacune des onze relations reproduites. Mieux encore, elle donne quelques lumières sur le personnage de Vasco de Gama, homme de fort caractère qui, à ses dépens, se brouilla avec dom Manuel, successeur du roi dont il avait les faveurs. C’est en raison de cela qu’il ne connut par un honneur et une place égales à celle d’un Amerigo Vespucci par exemple, une longue mise à l’écart des affaires maritimes du royaume, avant son troisième voyage en Inde, en 1524, où il mourut le 24 décembre. Le Premier Voyage 1497-1499 1. La relation anonyme attribuée à Álvaro Velho 2. La première lettre de Girolamo Sernigi 3. La seconde lettre de Girolamo Sernigi 4. La lettre de Guido Detti A ces quatre récits, la préface montre combien les Portugais, en dépit de quelques infortunes, ont joué de chance politique, à Mélinde en Afrique comme ensuite à Cochin en Inde, en s’alliant au monarque local qui souhaitait en chaque cas s’affranchir de la tutelle du royaume voisin. De plus, bien que ce voyage soit la première liaison maritime de l’ère moderne entre l’Europe et l’Inde, Jean Aubin rappelle qu’il est possible que Vasco de Gama ait disposé de quelques informations récentes : « dix ans plus tôt, dom João II avait expédié par l’Egypte et la mer Rouge deux émissaires clandestins à la recherche du Prêtre Jean et de l’Inde. Rui de Pina, qui acheva au début des années 1500 la Crónica del Rei Dom Joham II, écrivit que, de ces émissaires et d’autres qui furent envoyés par eux, ‘on ne sut finalement jamais ce qu’ils firent, car ils ne revinrent jamais’ (préface, p.55) ». La relation anonyme décrit la navigation le long des côtes africaines orientales, avec une sommaire description des cafres du Cap de Bonne Espérance, de Mozambique et au-delà. C’est grâce à l’intercession du monarque de Mélinde, qui lui procura un pilote gujarati, que l’escadre parvint en Inde. Ce témoigne montre aussi combien les Portugais étaient avides des épices que Alvise Ca’ da Mosto avait popularisés par son récit, et combien ceux-ci étaient peu préparés à rivaliser avec le commerce tenu alors par les Maures, et leurs cadeaux aux régents locaux : « le capitaine avait pour le roi les cadeaux suivants : douze lambéis, quatre capuchons d’écarlate, six chapeaux, quatre colliers de corail, un service de bassins composés de six pièces, une caisse de sucre, et quatre barils dont deux étaient pleins d’huile et deux pleins de miel. Mais comme la coutume là-bas veut qu’on n’apporte aucun objet au roi sans l’avoir d’abord fait savoir à ce Maure qu’il a comme facteur, puis au Bale, le capitaine les en tint informés : alors ils vinrent voir, et ils se mirent à se moquer de ce présent. Ils disaient que ce n’était point chose à offrir au roi, que le plus pauvre des marchands venant de la Mecque ou des Indes lui en donnait davantage, et que s’il voulait lui faire un présent il devait lui envoyer de l’or, car le roi n’accepterait rien de tout cela. Le capitaine fut attristé par ces propos. Il dit qu’il n’avait pas apporté d’or, et qu’au surplus il n’était pas marchand, mais ambassadeur, qu’il lui donnait ce qu’il avait apporté. Quand le roi du Portugal lui ferait de nouveau des présents, il lui enverrait beaucoup d’autres choses, et des choses plus précieuses. Si le Samorin n’en voulait pas, il renverrait cela au navire. Ils répondirent qu’ils n’apporteraient pas cela au roi, et qu’ils ne souffriraient pas qu’on le lui apporte. Quand ils s’en furent allés, on vit venir certains des trafiquants maures dont j’ai parlé, et ils traitaient avec mépris le présent que le capitaine voulait envoyer au roi (pp.138-139) »… De fait, l’escadre se fit vite des inimitiés, en partie en raison des rivalités religieuses entres Maures et Portugais, au point qu’à un moment donné, le matois « Vasco de Gama jugea prudent de lever l’ancre, sans attendre la saison encore lointaine des vents qui le ramèneraient vers l’Afrique. L’escadre paya cher cette hâte justifiée. Elle mit plus de trois semaines à atteindre l’île d’Angedive, puis de là trois mois à traverser la mer d’Arabie. En vue de Mogadiscio le 2 janvier 1499, elle descendit vers le Sud avec des équipages décimés par le scorbut, les rescapés insuffisants pour assurer les manœuvres. Aussi détruisit-on le São Rafael. Le Cap fut doublé le 20 mars. Nicolau Coelho arriva le 10 juillet, Jõao de Sá, qui commandait le São Gabriel entre le 10 et le 28 août. Vasco de Gama, qui était allé aux Açores avec son frère moribond, arriva plus tard, tout à la fin d’août ou de septembre (préface, p.12) »… Le Second Voyage 1502-1503 5. Le récit de Tomé Lopes 6. Le récit de l’anonyme portugais 7. Le manuscrit allemand de Vienne 8. La première lettre de Matteo de Bergamo 9. La seconde lettre de Matteo de Bergamo 10. Le manuscrit allemand de Bratislava 11. La lettre de Francesco Corbinelli Cette fois, les Portugais sont bien mieux préparés : « les navires étaient vingt, trop nombreux pour que les chantiers navals puissent terminer les apprêts en une fois. Quinze appareillèrent avec Vasco de Gama le 10 février, les cinq derniers sous Estêvão da Gama début avril. De l’ensemble, quinze étaient des nefs de charge, qui rentreraient à Lisbonne sitôt cargaison effectuée. Cinq armées en course, sous les ordres de Vicente Sodré, constitueraient en Inde une petite escadre permanente, qui protègerait le comptoir portugais et pourchasseraient la navigation maure. Vengeance serait tirée de la perfidie de Calicut, et le comptoir serait fondé à Cochin, Cabral y ayant déjà pourvu avec un personnel étoffé (préface, p.18) ». Mais comme le corroborent les autres récits oculaires, c’est aussi le voyage qui montre le mieux l’intransigeance de l’homme Vasco de Gama qui, comme on ne le dit que bien peu, n’hésita pas à semer la mort par centaines pour s’assurer le respect du ro