Intéressant recueil de nouvelles courtes, en bilingue français-portugais, chantant l’amour et les coutumes au Mozambique. L’introduction montre comment la traduction a tenté de rendre les savoureuses tournures idiomatiques du pays, ainsi que les expressions forgées par l’auteur. La préface donne quelques informations sur l’auteur, qui déclare sans ambages : « le conte bref et incisif, voilà mon domaine. Le conte doit durer le temps d’un éclair (p.11) ». En effet, et j’ai apprécié en particulier les nouvelles suivantes : Ngilina, toi va mourir ; Madalena, fleur de mon cœur ; Les mains de la vie et Les Funérailles de Bobi. Le recueil porte clairement le sceau de l’Afrique par ses allusions socio-politiques autant que thématiques. Vocabulaire et constructions idiomatiques propres au Mozambique sont explicités en notes. Outre le créole local, le ronga, l’auteur a lui-même inventé des mots par amalgame d’autres ; la version lusophone est elle-même suivie d’un glossaire ronga-portugais. Parfois, c’est d’emblée un parler ‘petit nègre’ que les traductrices ont tenté de rendre en français. Les récits confirment la prédilection de l’auteur que décrit la préface : « sa tendresse va d’abord et surtout aux femmes, éternelles victimes de la cette société traditionnelle que pourtant elles seules font vivre (p.10) », et dont Ngilina, toi va mourir est sans doute la meilleure illustration. D’une manière générale, les descriptions portent surtout sur les gens, leurs habitudes et coutumes, avec parfois en arrière-fond, une légère allusion aux conditions économique ( mines d’or d’Afrique du Sud ) ou de politique locale. Mais c’est surtout à l’amour que ce recueil a donné la part belle, d’une manière typiquement masculine : « les yeux tendres, la poitrine et les seins pointus et fermes comme des pousses d’herbe en feu,les hanches étroites qui attiraient les regards lascifs des vieux et des jeunes, l’utérus de plus en plus fertile à chaque premier quartier de lune, tout attendait Foliche, le mineur-novice, comme la terre fertile attend la pluie. Plus douce que la tourterelle, le corps ondulant à chaque pas, Nyeleti, la beauté du village, a rendu les hommes fous et les femmes jalouses (p.36) »… En fait, tel un rappel du passage précédant, Madalena, fleur de mon cœur ressemble plus au souvenir personnel qu’à une nouvelle inventée de toutes pièce. Voici le début : « En mon for intérieur, je revois Madalena, ses seins pointus, son sourire épanoui sur ses lèvres rougies par le cure-dent, qui découvre des dents blanches comme de la farine de maïs ; et ces grands yeux impénétrables qui regardent… des yeux perdus dans le bleu de ce ciel qui embrasse l’océan Indien. Madalena, les yeux ensorcelés de Madalena, ont entrouvert les premières pétales de ce cœur. J’ai connu beaucoup d’yeux, beaucoup de tendres doigts aux ongles vernis, de doigts pour taper à la machine. Les doigts de Madalena étaient durcis par la houe, mais à l’unique instant où ils m’ont effleuré, tel un paratonnerre ils m’ont foudroyé, ils ont ravi mon enfance. Mais je n’étais qu’un gamin, Madalena. Où trouver les mots adéquats, le nom de la fleur éclose en mon cœur ? Je me suis éloigné de l’hymne des oiseaux dans la savane, des anacardiers en fleurs, de la musique de la pluie sur la paille de la paillote, des jours de plein soleil, des nuits de pleine lune et des légendes des ogres. Mais bien vite, je t’ai cherchée dans la Lune oubliée au sommet des immeubles, parmi les gens qui se croisaient dans les rues sous une lumière électrique, abondante et solitaire (p.43) »…
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