Magnifique ouvrage sur les trois tentatives ( 1594, 1595 et 1596 ) de Willem Barentsz pour trouver le passage du nord-est vers l’Orient, par l’océan arctique. Avec nombreuses cartes, illustrations et photographies des objets laissés par l’expédition en Nouvelle Zemble. Tandis qu’au XVIe siècle Portugais et Espagnols monopolisaient les océans Atlantiques et Indien, Anglais et Hollandais cherchaient une voie maritime par le nord de l’Europe, en longeant les côtes de la Norvège, puis de la Russie vers les côtes inconnues de la Sibérie. Le récit compilé par Gerrit de Veer, qui réchappa du troisième voyage au contraire de son célèbre capitaine, se lit comme un roman d’expédition, dénotant chez l’auteur une qualité littéraire qui sert une épopée elle-même admirable. En raison de la saison froide et des dangers par ces mers et terres encore inconnues de l’Occident, pas moins de trois voyages furent nécessaires. C’est au cours du dernier que l’Ile aux Ours et le Spitzberg furent découverts. Les navigateurs rencontrèrent également des populations autochtones des côtes sibériennes, dont une illustration (p.63) donne un excellent aperçu : Portrait des Samoyèdes & de leurs traîneaux tirés par des rennes. Présenté comme un journal avec date à l’entrée, le lecteur peut suivre le parcours en s’aidant également des sept cartes en annexes (pp.191-200), dont trois figurent l’itinéraire de chacun des trois voyages. Le texte fourmille de détails, depuis l’étonnement de la découverte des ours blancs, à celle plus cocasses de la vie à bord, comme ici : « le 13, nous levâmes l’ancre, et en naviguant nous vîmes le lendemain soir quelque chose de fort gros flotter sur la mer. Nous crûmes d’abord que c’était un vaisseau, mais en approchant, nous reconnûmes que c’était une baleine morte qui puait monstrueusement et sur laquelle s’ébattaient un grand nombre de mouettes (p.76) ». Hélas, alors qu’ils contournaient la pointe nord-est de l’île de Novaya Zemlya ( Nouvelle Zemble ), le bateau fut pris dans les glaces, qui en broyèrent la coque. Pour se protéger des ours, décidément omniprésents et voraces, les naufragés durent construire une cabane de fortune, où ils vécurent pendant neuf mois, seuls face aux glaces désertiques : « le 13, le temps fut calme et brumeux, mais nous ne pûmes rien faire parce qu’il y avait grand péril de partir par temps de brume, car nous ne pouvions voir les ours cruels, lesquels flairaient les hommes avant même qu’ils n’eussent pu les voir (p.95) ». Le retour, on peut difficilement plus épique, se fit en chaloupe, et 2800 km rien qu’en chaloupe, jusqu’à un comptoir commerçant en Carélie. L’archéologie a retrouvé les vestiges de ladite cabane ( photo pp.198-199 ), ainsi que le matériel laissé sur place : « aujourd’hui, cinq cents de ces objets, les principaux, se trouvent au Rijksmuseum d’Amsterdam. Les autres, plus d’un millier, sont répartis essentiellement entre le Musée arctique et antarctique de Saint-Pétersbourg, le musée d’Histoire régionale d’Arkhangelsk et le musée polaire de Tromsö (p.35) ». Le livre termine avec près de trente pages de reproductions en noir et blanc de ces objets ; l’ensemble constitue un des plus grands témoignages de la littérature de voyages et de naufrage, rehaussée par une édition superbe, sur papier vergé, abondamment illustré de reproductions de gravures d’époque. Une excellente entrée dans la collection La Magellane de l’éditeur.

 

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