«Je n’ai jamais été vue?», dit Maria Metade, « Marie Moitié ». Toute sa vie, elle n’aura été qu’une demi-femme, à demi aimée par son mari, à demi mère parce qu’elle n’a vécu que la moitié d’une grossesse. «?Étant une moitié, je souffrais le double?», confie-t-elle à l’écrivain qui vient la voir en prison, pour le meurtre de son mari. Elle l’a poignardé un jour que la pluie l’avait trempée au point de la rendre désirable. Elle a laissé à terre cet homme «?cartographiant le plancher?» de son sang, Six. Un prénom pléthorique pour répondre à l’incomplétude de sa femme. À l’écrivain qui vient la voir, peut-être en quête de sujets, elle demande : «?Secourez-moi d’un mensonge qui me fasse l’auteur de ma faute.?» Car rien n’est vrai que le rêve dans ce crime, et l’écrivain est là pour faire exister une fiction, pour qu’elle se voie, pour qu’on la voie, enfin, comme ces figures sur l’écran du cinéma Olympia. Maria Metade est l’héroïne de «?Faute avouée à demi pardonnée?», une des trente nouvelles réunies dans ce recueil par le jeune écrivain mozambicain Mia Couto, une grande figure de la littérature de langue portugaise. Trente portraits de femmes, heureuses ou délaissées, combatives ou dépressives, drôles ou désolées. Trente «?missangas?», trente perles de verre liées par l’art de l’écrivain qui est comme un «?fil de silence recousant le temps?». S’en dégage un portrait de groupe, celui d’une humanité dans une ville oubliée, vive, et celui d’un écrivain qui dans ces textes ultra-brefs fait montre d’une virtuosité confondante, sachant enchaîner son lecteur dans le fil des missangas.