« Vaste roman épique qui aurait pu s’appeler “Vive le peuple de Bahia”, car les trois quarts des événements contés se déroulent dans cet Etat. Toutefois c’est bien l’éveil de la conscience de toute la nation brésilienne que l’auteur a voulu décrire. La composition du roman est déconcertante et commence avec la mort en 1822 d’un jeune pêcheur de 17 ans membre d’un groupe de conspirateurs contre l’occupant portugais. Le deuxième chapitre nous ramène en 1647 et raconte els exploits de Capiroba, un métis d’Indien et d’esclave noir qui devient anthropophage par accident. Il le restera par goût, avec une préférence pour la chair tendre des Hollandais qui occupèrent la région pendant quelques mois. On a droit à une page entière de noms de victimes du cannibale et de sa demi-douzaine de femmes avec une description très détaillée des fins morceaux et de leurs modes de préparation culinaire. L’affaire finit mal. Capiroba est exécuté non sans avoir assuré une descendance compliquée dont on retrouve certains éléments jusqu’à la fin du roman en 1977. Chacun des vingt chapitres porte en titre un lieu et une date avec plusieurs retours d’autant plus que l’auteur n’a pas jugé utile de joindre une table des matières. Il a eu cependant la bonne idée de faire intervenir au chapitre 16 un barde du sertão qui raconte en six pages l’histoire résumée. Ce qui permet d’attaquer la suite avec un intérêt renouvelé. La version française comprend par ailleurs une généalogie des principaux personnages, reconstituée d’après le texte du roman, et un petit glossaire. ¢ Ceci dit, il s’agit d’une œuvre assez extraordinaire bourrée de détails précis sur la vie et les mœurs des différentes couches sociales de la société brésilienne pendant l’époque coloniale, l’Empire et la République. Roman exubérant, cinfus souvent, improbable parfois, bien à l’image du peuple qu’il exalte. Mais l’auteur garde sa lucidité. Les méchants – nombreux – ne sont pas souvent châtiés. Les bons ne sont pas toujours récompensés alors que les arrivistes de tout poil s’enrichissent honteusement. L’odieux Perilo Ambrósio n’hésite pas à saigner à mort un de ses esclaves et se couvre de son sang pour faire croire qu’il a été blessé au cours d’un combat pendant la guerre d’indépendance. Il sera fait baron de l’Empire et deviendra héros national avant de mourir empoisonné. Lui aussi aura assuré une prolifique descendance que l’on retrouve tout au long du livre. Le capitaine Patrício Macário, héros véritable de la guerre de Paraguay, mènera une vie exemplaire et terne après avoir connu une seule nuit d’amour avec la mystérieuse Maria da Fé, une mulata aux yeux verts. ¢ Le style d’Ubaldo, qui fait un peu successeur de Jorge Amado dans le microcosme bahianais, n’est pas facile, les phrases longues d’une demi-page ou plus ne sont pas rares et [pour qui lit le texte en portugais] un dictionnaire est utile pour comprendre certains régionalismes et termes archaïques. » R. Pardini.