Cosaques et navigateurs étonnants voyageurs

Autres voyages pour des terres inconnues, mais dans un but essentiellement mercantile, vers les richesses de l’Orient: ceux qui, à la fin du XVIe siècle, incitèrent Anglais et Hollandais à trouver, le long des côtes de la Norvège, de la Russie, puis de la Sibérie, une route plus courte et plus sure que celle qui oblige à contourner l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance. C’est l’aventure du navigateur hollandais Willem Barentsz, qui, grâce au soutien financier de sociétés de marchands et du gouvernement des Provinces-Unies, tenta trois fois, ente 1594 et 1597, de rejoindre la Chine par le Nord, passage qui ne sera découvert que trois siècles plus tard. Lors de son troisième voyage, Barentsz découvrit le Spitzberg avant d’être pris par les glaces près de la Nouvelle-Zemble (76e N). Les marins durent hiverner neuf mois dans une cabane, se nourrissant de renards et luttant contre les ours, le scorbut et le froid. Reparti sur une chaloupe en juin 1597, Barentsz mourut en route; seuls douze survivants revinrent à Amsterdam. L’un d’eux, Gerrit de Veer, relatera, dès 1598, ces premières explorations polaires dans un texte qui connaîtra immédiatement plusieurs éditions, en latin, en français, en allemand, en italien et en anglais. C’est une version corrigée, illustrée de cartes et de belles gravures de l’époque que reprend l’éditeur Michel Chandeigne dans sa “Collection magellane”. La page de titre devait faire rêver les contemporains : “Description de trois voyages en mer, faits en trois ans, l’un après l’autre, par les navires de Hollande et de Zélande au nord de la Norvège, de la Moscovie et de la Tartarie, vers les royaumes de Chine et de Cathay. Avec les découvertes du détroit du Vaygats, de la Nouvelle-Zemble et du Spitzberg ou jamais personne n’a été; et les ours cruels, d’autres monstres marins, et la froidure extrême et insupportable que l’on trouve en ces contrées.” Voguant pour la première fois sur des mers envahies par les glaces, les équipages, rapporte le narrateur, furent d’abord “si surpris qu’ils crurent voir des cygnes”, durent affronter “des ours hideux”, rencontrèrent les Samoyèdes. Au retour, après la mort de Barentsz, longeant les côtes de la mer Blanche, près de l’embouchure de la Petchora, ils accostèrent chez les Russiens. “On les reçut fort bien; on les mena dans une étuve ou ils séchèrent leurs vêtements, et ou on leur servit du poisson. (…) Outre ces treize Russiens, il y avait encore deux Lapons avec trois femmes et un enfant, qui vivaient dans une grande pauvreté, ne mangeant que les restes des Russiens, qui leur laissaient quelques morceaux de poisson et les têtes qu’ils leur jetaient, et que les Lapons ramassaient avec beaucoup d’humilité e de remerciements.” Dans la “maison de survie” conservée intacte, Carlsen, un capitaine norvégien, découvrit en 1871 des couchettes alignées contre le mur, des assiettes, des verres, des armes, un encrier et sa plume, des livres: le premier dictionnaire français-flamand de 1587, un livre sur la Chine, un ouvrage d’édification religieuse en français. En août 1995, une équipe russo-hollandaise retrouva encore des objets, mais pas la sépulture du navigateur, dans ces lieux “aujourd’hui dépotoir nucléaire de l’ex-Union soviétique, qui préservent encore la solitude de son découvreur”.