Petites épiphanies
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En 1986, quand débutent ces chroniques, Caio Fernando Abreu a 38 ans –il est né en 1948 à Santiago do Boqueirão dans l’Etat du Rio Grande do Sul, à la frontière du Brésil et de l’Argentine. Il est déjà un écrivain reconnu : six de ces ouvrages ont été publiés. Les 62 chroniques réunies sous le titre Petites Epiphanies ont paru dans le grand quotidien O Estado de São Paulo, et dans le magazine Zero Hora à partir 1995. Leur liberté de ton et de sujet étonne.
"J'ai beaucoup travaillé, sans doute est-ce pourquoi je pense à vous de cette manière. Des espaces azurés apparaissent quand je pense à vous. Dans ma pensée, vous ne me reprochez jamais d'être un peu fou, mélodramatique, et je pense alors gaze, nuage, château, parfum, brise, turquoise et brin d'osier. Et je pose ma tête sur votre épaule ou vous posez la vôtre sur la mienne, peu importe, et nous restons ainsi tellement longtemps que la terre tremble, des volcans explosent, des épidémies se propagent, et nous ne nous rendons compte de rien, nombril du monde. Je touche votre main, vous touchez la mienne. Cela dure si longtemps qu'il faut trois mille jours pour que je parvienne à bien vous regarder au fond des yeux ; alors je plonge dans des eaux vertes si cristallines que les algues de la surface se dessinent sur le sable blanc du fond. En apnée, je pêche des perles. Je sais que c'est un peu idiot, mais j'aime à penser de cette manière, et si je suis debout dans l'omnibus je lâche un peu la barre métallique afin que mon corps se balance comme s'il était à bord d'un navire, ou de vous. Je ferme les yeux, c'est si bon, vous n'imaginez pas. Je soupire beaucoup en pensant à vous ; pleurer ? il m'arrive de pleurer, aussi souvent. Je ralentis le pas, certain qu'au prochain coin de rue, qui sait... Je n'ai pas été très disponible, dernièrement, mais je pense tellement à vous qu'au moment de m'endormir quelquefois je souris et passe le bout de mon doigt sur le lobe de votre oreille et répète à voix basse je t'aime tant dors avec les anges. Après quoi c'est moi qui m'endors et qui rêve, qui rêve d'anges. Nuages, espaces azurés, perles au fond de la mer. Clac ! comme si c'était vrai : un baiser."